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THUCYDIDE, LIV. I.

thiens. Des députes d’Athènes, venus avant eux pour d’autres affaires, se trouvaient à Lacédémone. Instruits de ce qui s’agitait à l’assemblée, ils crurent devoir s’y présenter, non pour répondre aux accusations dirigées contre eux, mais pour montrer, en général, qu’il ne fallait pas délibérer à la hâte, et qu’on devait donner plus de temps à la discussion d’aussi grands intérêts. Il était aussi dans leurs vues d’exposer la puissance de leur république, de rappeler aux vieillards ce qu’ils en savaient, et d’apprendre aux jeunes gens ce qu’ils ignoraient. Ils espéraient, par leurs représentations, disposer les esprits à préférer le repos à la guerre. Ils se présentèrent donc aux Lacédémoniens, et déclarèrent qu’ils voulaient se faire entendre aussi dans l’assemblée, si rien ne s’y opposait : on les invite à se présenter ; ils paraissent, ils adressent ce discours :

Chap. 73. « Ce n’est pas pour entrer en discussion avec vos alliés, mais pour d’autres objets, que nous a députés notre république. Informés cependant qu’il s’élevait contre nous de vives clameurs, nous paraissons ici, non pour répondre aux accusations des républiques ; car nous ne pourrions vous parler comme à nos juges ni comme aux leurs ; mais pour empêcher que, séduits par les alliés, vous ne preniez à la légère, dans une importante affaire, une résolution dangereuse. Nous voulons en même temps vous montrer que, malgré tous ces vains discours contre notre république, elle n’est pas moins digne des avantages qu’elle possède, et de la considération dont elle jouit.

» Qu’est-il besoin de parler ici des faits anciens, dont on n’aurait que la tradition pour témoin, bien plus que les yeux de ceux qui nous entendent ? Mais quant à nos exploits contre les Mèdes, et aux événemens dont vous-mêmes avez la conscience, quoiqu’il nous en coûte de les reproduire sans cesse, il faut bien en parler. En effet, ce que nous fîmes alors nous livra à mille dangers pour l’avantage commun, dont vous avez eu votre part : il doit donc nous être permis d’en rappeler le souvenir, s’il peut nous être de quelque utilité. Nous parlerons moins pour nous défendre, que pour mettre au grand jour quelle est cette république que vous aurez à combattre, si vous prenez une mauvaise résolution.

» Je prétends donc que, seuls à Marathon, nous avons soutenu le choc des Barbares, et qu’à leur seconde expédition, trop faibles pour leur résister par terre, nous sommes montés sur notre flotte, et les avons défaits dans un combat naval à Salamine, victoire qui les empêcha de faire voile vers le Péloponnèse, et d’en ruiner, les unes après les autres, les villes trop peu capables de se prêter des secours mutuels contre des flottes si formidables. Et notre ennemi lui-même rendit, par sa conduite, un beau témoignage à la supériorité de nos vues ; car, vaincu sur ses vaisseaux, et ne se voyant plus en égalité de forces, il précipita sa retraite avec la plus grande partie de son armée.

Chap. 74. » Dans ce grand événement, qui manifesta que la puissance des Hellènes résidait dans leur marine, nous avons procuré les avantages qui ont surtout assuré le succès : le plus grand nombre de vaisseaux, un général d’une rare sagesse, et un zèle infatigable. Sur les quatre cents vaisseaux, nous n’en avons guère fourni moins de la moitié. Quant à Thémistocle, notre général, à qui l’on doit surtout d’avoir combattu dans un détroit, ce qui sauva l’Hellade, vous lui décernâtes, pour prix de ce service, plus