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THUCYDIDE, LIV. I.

Athéniens ceignirent leur ville de murailles. Encore aujourd’hui l’on peut voir que la reconstruction fut exécutée précipitamment : car les fondemens sont, en certains endroits, de toutes sortes de pierres qui n’ont pas été travaillées pour concourir à un ensemble. Des colonnes, des marbres sculptés furent tirés des monumens, et entassés les uns sur les autres. De tous les côtés de la ville, l’enceinte fut tenue plus grande qu’auparavant : on travaillait à tout à-la-fois ; on ne prenait point de repos.

Thémistocle persuada d’achever les constructions du Pirée, commencées précédemment sous son archontat. Il jugeait très favorable la position de ce lieu, qui offrait trois ports creusés par la nature ; et il voyait dans les batailles maritimes des Athéniens contre les Mèdes un acheminement à la prééminence. Il osa dire le premier qu’il fallait se livrer à la mer, et aussitôt il les aida à s’en préparer l’empire. Ce fut d’après son plan qu’on donna au mur du Pirée la largeur qu’on lui voit encore aujourd’hui : en effet, deux chariots qui se rencontraient pouvaient apporter des pierres. Les parois intérieures des murs n’avaient ni mortier de chaux, ni mortier de terre : ces murs étaient formés de grandes pierres étroitement jointes ensemble, taillées carrément, et liées en dehors avec du fer et du plomb. Ils avaient tout au plus la moitié de la hauteur que Thémistocle avait projetée. Il voulait que, par leur largeur et leur élévation, on n’eût pas à craindre les attaques des ennemis ; qu’un petit nombre d’hommes, même des plus faibles, suffit pour les défendre, et que les autres montassent sur les vaisseaux : car c’était à la marine surtout qu’il s’attachait. C’est qu’il voyait, du moins selon moi, que l’armée du grand roi pouvait faire plus aisément des invasions par mer que par terre, et il regardait le Pirée comme plus important que la ville haute. Il conseillait bien souvent aux Athéniens, s’il leur arrivait d’être forcés par terre, de descendre au Pirée, et de se défendre sur leur flotte contre tous ceux qui les attaqueraient. Ce fut ainsi que les Athéniens se fortifièrent, et prirent, aussitôt après la retraite des Mèdes, toutes les précautions que dictait la prudence.

Chap. 94. Quant à Pausanias, fils de Cléombrote, Lacédémone l’avait envoyé, en qualité de général des Hellènes, avec vingt vaisseaux fournis par le Péloponnèse. Les Athéniens s’étaient joints à cette flotte avec trente vaisseaux ; quantité d’alliés avaient suivi leur exemple. Ils s’étaient portés à Cypre, dont ils avaient soumis une grande partie : de là, toujours sous le même commandement, ils s’étaient portés à Byzance, qu’occupaient les Mèdes, et s’en étaient rendus maîtres.

Chap. 95. Pausanias commençait à montrer même de la dureté : il se rendait odieux aux Hellènes en général, et surtout aux Ioniens et à tous ceux qui s’étaient soustraits récemment à la domination du grand roi. Ils allèrent trouver les Athéniens, et les prièrent, en considération de la consanguinité, de se mettre à leur tête, et de ne pas céder à Pausanias, s’il en venait à la violence. Les Athéniens accueillirent cette proposition, promirent de ne les point abandonner, quoique bien résolus à toutes les mesures qui s’accorderaient le mieux avec leurs propres intérêts.

Dans ces conjonctures, les Lacédémoniens rappelèrent Pausanias pour le juger sur les dénonciations portées contre lui. Les Hellènes qui venaient à Lacédémone, se plaignaient beaucoup de ses injustices, et son commandement semblait tenir plutôt du pouvoir tyran-