Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 12 —

Son armée montait à cent quatre-vingt-seize mille hommes, dont trente-six mille de cavalerie. La plus grande partie de cette armée était composée des Mèdes, des Arabes et des Cadusiens. Cependant on y comptait aussi soixante-dix mille Persans naturels. Comme ils ne combattaient qu’à pied, Cyrus changea leur ancienne méthode. Dix mille furent mis à cheval ; on les arma défensivement et on les exerça avec beaucoup de soin. Vingt mille reçurent des armes légères ; vingt mille portèrent des cuirasses, des pertuisanes et de bonnes épées ; le reste prit des haches à deux tranchans et de forts javelots. Cyrus avait aussi trois cents chariots de guerre, dont les essieux présentaient de chaque côté deux faux tranchantes ; l’une coupait par la verticale, l’autre horizontalement.

La coutume des Perses était de se ranger sur vingt-quatre de profondeur. Cyrus jugea cette multiplicité de rangs inutile, et dans cette occasion, ne les plaça que sur douze.

Derrière sa ligne d’infanterie pesante, à très peu de distance, il en avait une autre d’armés à la légère qui lançaient le javelot ; et la suite de celle-ci, une troisième composée d’archers qui devaient jeter leurs traits par dessus la phalange. Ces traits partaient par la ligne courbe, le jet de but en blanc ayant plus de raideur, mais beaucoup moins d’étendue. La quatrième ligne n’offrait que des soldats d’élite, destinés à contenir les autres. Il les comparait dans un ordre de bataille, au toit d’une maison : elle ne peut servir si elle n’a des fondemens solides et une bonne couverture.

Il avait fait construire plusieurs grands chariots qui portaient des tours hautes de dix-huit pieds, renfermant chacune vingt archers. Ces chars, montés sur des roulettes, étaient tramés par seize bœufs attelés de front. Il fit une cinquième ligne de ces citadelles mobiles, à l’abri desquelles son infanterie devait se rallier si elle était trop pressée. Il y avait aussi des machines ; Xénophon le dit positivement, bien qu’il n’indique pas leur place.

Après les tours venaient deux autres lignes parallèles et égales au front de l’armée ; elles étaient formées par les chariots de bagage. Ces deux lignes laissaient entre elles un espace vide dans lequel se trouvaient placées toutes les personnes inutiles au combat, et deux autres lignes de chariots fermaient à droite et à gauche les extrémités de cet espace.

Le dessein de Cyrus était de donner le plus de profondeur possible à son ordre de bataille, afin d’obliger les ennemis qui voulaient l’envelopper de faire un plus grand circuit, et ainsi de diminuer leurs forces en s’étendant. La cavalerie, comme celle des ennemis, occupait les ailes ; Chrysante en commandait la droite, Hytaspe la gauche ; la plus grande partie était armée de pied en cap, et les chevaux bardés. Araspe menait la droite de l’infanterie, Arsamas la gauche ; Abradate était au centre avec les Perses, vis-à-vis les Égyptiens. Cent chariots de guerre protégeaient le front de la ligne ; les deux cents autres étaient répartis sur les flancs.

D’après cette disposition, plusieurs historiens ont cru ou répété que Cyrus avait fait une omission dans son ordre de bataille, puisqu’il laissait ses flancs à découvert. Mais lorsqu’en parcourant la ligne, Abradate lui dit : « J’espère, seigneur, que tout ira bien de ce côté-ci ; cependant j’ai quelque inquiétude pour nos flancs, où il n’y a que des chariots, car je vois les ailes des ennemis fortes en chars et en troupes de toute espèce qui s’étendent de part et d’autre pour nous envelopper. » Cyrus le rassure, et lui fait entendre qu’il a des moyens de dissiper l’orage. Il lui recommande seule-