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ment de ne pas bouger qu’il n’ait vu fuir ceux qui l’inquiètent.

Il dit aussi à Hytaspe, qui commandait la cavalerie de l’aile gauche, et qui lui témoignait la même crainte : « Rappelez-vous seulement que le premier qui aura l’avantage doit venir se joindre aux autres. » Cyrus tourne ensuite sur le flanc et ordonne au commandant des chariots de les lancer rapidement contre l’ennemi dès qu’il le verra venir à lui de front. Il lui prescrit de ne pas attendre qu’il soit trop près, afin de prendre plus de champ et lui promet d’arriver à son secours.

Il est certain que Cyrus avait pris des mesures très sages pour protéger ses flancs ; mais il n’avait cru devoir les communiquer qu’a ceux qui étaient chargés d’exécuter ses ordres. À la queue du bagage, derrière l’extrémité de chaque aile, il avait placé mille chevaux et mille fantassins pris parmi l’élite de ses troupes ; Artagersas et Pharnucus commandaient ceux de la gauche ; Asiadatas et Artabaze le corps de droite. C’est avec ces deux petites réserves que Cyrus comptait se débarrasser de tout ce qui l’attaquerait sur les flancs. Un gros escadron de chameaux, montés chacun par deux archers arabes adossés l’un à l’autre, le servit très utilement dans cette journée.

Avant de quitter sa gauche, Cyrus prescrivit à Artagersas, qui commandait cette partie de la réserve, de charger lorsqu’il jugerait que la droite aurait commencé. « Vous attaquerez, lui dit-il, par le flanc, c’est toujours l’endroit le plus faible, et vous enverrez l’escadron de chameaux contre le dernier corps de l’aile des ennemis. » Tout étant réglé de ce côté, il regagna la droite, où il voulait combattre.

L’infanterie et les ailes de cavalerie avaient ordre de prendre le même pas et de charger ensemble ; mais elles ne devaient attaquer que lorsqu’elles entendraient le bruit de la charge que Cyrus se proposait d’exécuter sur le flanc droit.

L’armée marcha l’espace d’une lieue dans l’ordre que nous venons d’indiquer. Elle fit halte trois fois pour reprendre l’alignement. Toutes les troupes se réglaient sur l’étendard royal, placé au centre de la première ligne : c’était une aigle d’or éployée au bout d’une longue pique.

Lorsque les deux armées furent en présence, le centre de Crésus s’arrêta, et ses deux ailes se courbant à droite et à gauche, s’avancèrent pour envelopper l’armée de Cyrus, qui, de chaque côté, fut débordée d’environ quatre stades (trois cent soixante toises). Ce mouvement, auquel Cyrus s’attendait, ne l’étonna point ; il donna un signal pour la halte, et les troupes firent face de tous côtés, c’est-à-dire que les chariots placés sur les flancs et les deux corps de réserve qui étaient derrière firent front sur les ailes.

Les deux parties de l’armée qui débordaient la ligne de Cyrus pour l’envelopper, ne se replièrent pas d’abord par un quart de conversion ; elles s’étendirent pour prendre du terrain et s’éloignèrent du corps de bataille. Crésus attendit pour leur faire donner le signal de tourner les flancs de son ennemi, que ces deux corps s’en fussent rapprochés d’une distance égale à celle qui séparait son front de bataille de celui de Cyrus. Il voulait porter l’attaque sur les trois points en même temps.

Ainsi trois armées paraissaient s’avance contre une seule ; la première de front, les deux autres par les côtés. Ce spectacle causa quelque frayeur aux Perses, qui voyaient leurs flancs dégarnis et ne pénétraient pas le dessein de leur général. Cette raison détermina Cyrus à ne pas faire charger le front de sa ligne avant la