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THUCYDIDE, LIV. II.

niens, les Péloponnésiens quittèrent enfin la place, quatre-vingts jours au plus après le désastre des Thébains à Platée, et se jetèrent sur l’Attique, dans la partie de l’été où les blés sont montés en épis. Archidamus, fils de Zeuxidamus, roi de Lacédémone, continuait de les commander. Ils s’arrêtèrent d’abord à Éleusis et dans les campagnes de Thria, les ravagèrent, eurent l’avantage sur un corps de cavalerie vers l’endroit qu’on appelle les Ruisseaux, s’avancèrent ensuite à travers la Cécropie, ayant à leur droite le mont Égaléon, et arrivèrent à Acharnes, le plus considérable des dèmes de l’Attique. Ils s’y arrêtèrent, y assirent leur camp, et restèrent long-temps à dévaster le pays.

Chap. 20. Voici, dit-on, sur quel motif Archidamus se tenait en ordre de bataille sur le territoire d’Acharnes, comme pour livrer bataille sans descendre dans la plaine pendant cette prémière invasion. Il espérait que les Athéniens, qui avaient une nombreuse et florissante jeunesse, et dont jamais l’appareil guerrier n’avait été si imposant, sortiraient de leurs murailles, et ne verraient pas avec indifférence ravager leur territoire. Comme ils n’étaient venus à sa rencontre, ni à Éleusis, ni dans les plaines de Thria, il essaya s’il ne pourrait pas les attirer en campant sur le territoire d’Acharnes. D’ailleurs, l’endroit lui semblait propre à établir un camp, et probablement les Acharniens, qui formaient une partie considérable de la république, puisque seuls ils fournissaient trois mille hoplites, ne laisseraient pas désoler leurs propriétés : leur fougue entraînerait tous les autres au combat. Il jugeait encore que, si les Athéniens ne sortaient pas pour s’opposer à cette invasion, on saccagerait dans la suite le territoire avec moins de crainte, et qu’on pourrait même s’avancer jusqu’à la ville : en effet, les Acharniens, dépouillés de leurs biens, ne s’exposeraient pas avec le même zèle au danger pour défendre celui des autres, ce qui amènerait la division. D’après ces considérations, il investit Acharnes.

Chap. 21. Tant que l’armée se tenait à Éleusis et dans les champs de Thria, les Athéniens avaient quelque espérance qu’elle ne s’avancerait pas au-delà : ils se souvenaient que quatorze ans avant cette guerre, Plistoanax, fils de Pausanias, roi de Lacédémone, à la tête d’une armée de Péloponnésiens, avait fait aussi une invasion dans l’Attique, à Éleusis et à Thria, et était retourné sur ses pas, sans aller plus loin ; ce qui l’avait fait bannir de Sparte, soupçonné d’avoir à prix d’argent exécuté cette retraite. Mais quand ils virent l’ennemi à Acharnes, à soixante stades de la ville, alors perdant patience, et, comme cela était naturel, jugeant affreux de voir leurs campagnes ravagées sous leurs yeux, spectacle nouveau pour les jeunes gens, et même pour les vieillards, excepté dans la guerre des Mèdes, ils voulaient tous, et principalement la jeunesse, marcher contre l’ennemi et ne pas rester tranquilles spectateurs d’un outrage. Il se formait des réunions tumultueuses : on se disputait vivement : les uns voulaient qu’on sortît ; d’autres, en petit nombre, s’y opposaient. Les devins chantaient des oracles de toute espèce, et chacun les écoutait suivant la passion qui l’agitait. Les Acharniens surtout, qui ne se croyaient pas une partie méprisable de la république, et dont on ravageait les terres, pressaient la sortie. Il n’était sorte d’agitation que n’éprouvât la république, et Périclès se trouvait en butte à tous les ressentimens. On avait oublié ses précédens conseils, on lui faisait un crime d’être général et