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THUCYDIDE, LIV. II.

que difficilement d’être placés à quelques degrés au-dessous d’eux, et non pas à leur niveau ; car tout homme sur terre voit un concurrent avec peine : cessez-vous d’alarmer les prétentions rivales, vous êtes sûr de la bienveillance ; mais elle est au prix de la mort, qui seule détruit la rivalité.

» Peut-être faut-il, avant de finir, m’arrêter un instant sur les devoirs des femmes réduites au veuvage.

» Voici ce qu’en peu de mots leur intérêt m’ordonne de leur dire : Femmes, votre gloire est de vous ressembler à vous-mêmes, d’obéir au vœu de la nature, d’être ce qu’elle vous fit ; d’éviter, dans les assemblées des hommes, la publicité des censures, même la publicité des éloges.

Chap. 46. » J’ai satisfait à la loi ; j’ai développé les idées que les circonstances devaient inspirer à l’orateur. Une partie de la dette publique est déjà réellement acquittée par les honneurs rendus à la tombe des héros que nous pleurons. Le reste sera payé par la reconnaissance à leurs enfans, devenus dès ce moment les vôtres, devenus les enfans de la république, qui les nourrira jusqu’à ce que l’âge leur permette de la défendre : utile récompense pour eux-mêmes, utile objet d’émulation pour ceux qui doivent entrer dans la même lice : en effet, la république qui honore magnifiquement la vertu, doit être aussi la patrie des cœurs vertueux. Allez, et retirez-vous après avoir donné à la nature, à l’amitié, les pleurs qu’elles réclament. »

Chap. 47. Cette cérémonie funèbre eut lieu l’hiver avec lequel finit la première année de la guerre. Dès le commencement de l’été, les deux tiers des troupes du Péloponnèse et des alliés, comme l’année précédente, fondirent sur l’Attique, y campèrent et ravagèrent le pays, sous la conduite d’Archidamus, fils de Zeuxidamus.

Ces troupes à peine arrivées, la peste se déclara parmi les Athéniens. Déjà plusieurs fois, dit-on, Lemnos et d’autres contrées en avaient ressenti les cruelles atteintes : mais nulle part, de mémoire d’homme, on n’avait été frappé d’une telle contagion, d’une aussi terrible mortalité. Les médecins, d’abord, n’y connaissant rien, ne pouvaient apporter de remède : la mort les frappait les premiers, à raison de leur commerce plus fréquent avec les malades. Toute industrie humaine était superflue ; prières ferventes dans les hiérons, oracles consultés, pratiques de toute espèce, tout devenait inutile : on finit par y renoncer, vaincu par la force du mal.

Chap. 48. Il commença, dit-on, par cette partie de l’Éthiopie qui domine l’Égype, descendit en Égypte et dans la Libye, gagna le vaste empire du grand roi, et soudain Athènes en fut infectée. Ses premières victimes furent les habitans du Pirée ; ils allaient jusqu’à dire que les Péloponnésiens pouvaient bien avoir empoisonné les puits, car il n’existait point encore de fontaines dans ce quartier. Le mal gagna ensuite la ville haute, et ce fut alors qu’il exerça de plus grands ravages. Que chacun, médecin ou non, raisonne selon ses connaissances sur ce fléau ; qu’il dise à quel principe il doit sa naissance, et quelles sont les causes, ou de la révolution qui se fit dans les corps, ou du renversement de température qui eut lieu dans l’air ; pour moi, je dirai quel fut le mal, et si clairement, que les personnes attentives, qui d’avance en auront vu quelques caractères dans mon récit, ne puissent le méconnaître, si jamais il revenait exercer ses fureurs.

Chap. 49. On convenait que, cette année surtout, les autres maladies s’é-