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n’avaient point amené de chariots de guerre, et les deux phalanges qui formaient l’armée grecque resserrèrent l’intervalle qu’on laissait ordinairement ouvert pour le passage des chars. Ces deux phalanges rangées, selon le terrain, sur huit ou douze de profondeur, n’offraient guère que mille ou douze cents files, c’est-à-dire un front de bataille de douze à quinze cents pas.

Le signal ne fut pas plutôt donné (490 av. not. ère), que les Athéniens, au lieu d’attendre le choc de l’ennemi, suivant leur coutume, s’élancèrent avec furie. Miltiade avait à dessein renforcé les ailes, car il fallait surtout empêcher les Perses de se placer entre eux et leurs ravins ; Aristide et Thémistocle, qui commandaient le centre, devaient même le refuser, afin de provoquer l’effort de l’ennemi sur ce point. Les barbares s’y précipitèrent.

Mais les deux phalanges qui s’étaient volontairement séparées l’une de l’autre, sans rompre l’ordre de bataille, se rejoignirent bientôt ; et ainsi, coupant en deux la colonne en désordre qui s’était introduite dans leur intervalle, achevèrent de mettre la confusion dans les rangs de Datis.

Les Spartiates, qui pour réparer leur faiblesse avaient fait une marche forcée de trois jours, n’arrivèrent que le lendemain de la bataille, et furent bien étonnés de ne plus trouver d’ennemis. La terreur avait été si grande parmi les Perses, qu’ils ne laissèrent que six mille hommes sur le champ de bataille ; perte très petite pour leur armée nombreuse et hors de toute proportion avec une défaite aussi générale. Sans essayer de se rallier, ils se précipitèrent vers leurs embarcations et s’éloignèrent du rivage. Ce fut alors qu’un soldat tout fumant encore du sang des ennemis courut porter à Athènes la nouvelle de cette victoire, et tomba mort aux pieds des magistrats, après avoir dit : « réjouissez-vous, nous sommes vainqueurs. »

Une victoire aussi complète fut le résultat de la résolution hardie de Miltiade. Un général qui se sent de beaucoup supérieur à son ennemi néglige ordinairement quelques-unes des précautions qu’on est contraint de multiplier sans cesse à la guerre ; le plus faible n’en oublie aucune ; lorsqu’ensuite ce général se trouve en face de l’ennemi qu’il a méprisé, et que ce dernier ose former la première attaque, celui qui s’était cru le plus fort s’étonne d’abord de l’audace du plus faible, mais il finit par lui supposer des ressources qu’il ne connaît pas. L’effet de cette surprise tourne presque toujours en frayeur et en découragement.

Les Athéniens perdirent environ deux cents hommes. Ils étaient, comme nous l’avons dit, au nombre de dix mille, en y comprenant les Platéens. Tous étaient pesamment armés, sans infanterie légère ni cavalerie. Cependant on aurait pu tirer un grand parti des troupes légères, soit en les plaçant sur les sommités ou derrière les abatis, soit en les destinant à attaquer les Perses par derrière ou à les inquiéter pendant le combat, soit enfin en les faisant surveiller l’ennemi, qui, vu son grand nombre et la possibilité où l’on est toujours de tourner une montagne quand elle est gardée par peu de monde, aurait du songer à cette manœuvre, qui mettait l’armée des Grecs en péril.

La journée de Marathon fut la source des grandes victoires que les Grecs remportèrent par la suite sur les Perses : elle détruisit l’opinion qu’on avait eue jusqu’alors de cette puissance formidable, et prouva qu’une armée, si nombreuse qu’elle soit, lorsqu’elle manque de discipline et de tactique, n’a rien de redoutable que le nom.

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