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publiques ; et ce changement de gouvernement, bien qu’il produisît des rivalités et des haines, excita chez ces peuples une noble émulation : Athènes et Sparte, l’une par ses vertus rigides, l’autre par son industrie, son commerce et son goût pour les sciences et les beaux-arts, prirent parmi ces républiques un ascendant qu’elles conservèrent tour-à-tour. Des ligues se formèrent souvent pour tenir ces deux puissances en équilibre ; mais le besoin de se réunir contre un ennemi commun suspendit quelquefois aussi les guerres intestines, et c’est alors que furent livrées ces batailles mémorables qui ont illustré la Grèce, et qui restent comme un témoignage de ce que peut faire la science militaire unie au courage.

Il s’était écoulé près de quarante ans depuis la mort de Cyrus, lorsque Darius, qui régnait alors sur l’empire immense que ce grand prince avait fondé, voulut étendre sa domination jusqu’à l’Europe. Plus de cent mille Perses passent la mer, viennent fondre sur l’Attique, et semblent annoncer son asservissement. Les Athéniens réclament le secours de Lacédémone. On leur répond qu’une coutume religieuse empêche de se mettre en campagne avant la pleine lune ; qu’il faut attendre quelques jours. Les autres peuples, saisis d’épouvante, n’osent bouger, excepté les Platéens, qui envoient mille soldats.

Dans un péril si pressant, Athènes arme ses esclaves et parvient ainsi à rassembler dix mille combattans. Le nombre des généraux était un mal plus dangereux que le manque de troupes : il y en avait dix ; ils devaient commander alternativement. La jalousie, qui engendre la contrariété des opinions, pouvait tout perdre.

Tandis qu’on délibérait pour savoir si l’on devait attaquer l’ennemi ou l’attendre dans la ville, Miltiade, contre l’avis de tous, soutint qu’un coup de vigueur pourrait donner la victoire. Aristide adopte aussitôt cette opinion, entraîne les autres généraux par son éloquence, et, comprenant bien que l’exécution d’un pareil projet demande d’être confiée à un seul, il renonce en faveur de Miltiade à son jour de commandement. Chacun suit cet exemple généreux.

Maître d’agir à sa volonté, Miltiade vint camper à une demi-lieue de l’armée des Perses, au pied d’une montagne qui se courbait en forme de fer à cheval[1]. Afin de fortifier ses ailes, il éleva sur ses flancs des retranchemens avec des abatis, embarrassa par des arbres tous les endroits de la montagne qu’on supposait accessibles et se décida, dans le cas où l’ennemi accepterait la bataille, de refuser son centre et d’attaquer par ses ailes.

Datis, qui commandait les Perses, resserré comme les Grecs entre deux petites rivières, ne pouvait étendre le front de son armée en proportion de sa force numérique ; il dut bien vite juger combien les dispositions de Miltiade étaient sages ; mais, ne voulant pas donner aux Lacédémoniens le temps d’arriver, il résolut d’engager l’affaire.

Tout était calculé de la part de Miltiade. Son armée, rangée au pied d’une montagne, ne pouvait être enveloppée ; les arbres qu’il avait fait couper lui servaient de retranchement, et les Grecs se trouvaient encore fortifiés par deux petites rivières, dont les cours, rapprochés à leurs sources, s’éloignaient l’un de l’autre en descendant vers la mer, et formaient des marais impraticables.

Comme les Perses étaient arrivés sur un grand nombre de petits navires, ils

  1. Voyez l’Atlas.
    A. Armée des Grecs.
    B. Armée des Perses.
    C. Camp des Grecs.
    D. Camp des Perses.