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THUCYDIDE, LIV. II.

sur le trône ; Agnon l’accompagnait en qualité de général. Il emmenait aussi des députés d’Athènes qui se trouvaient pour cette affaire auprès de sa personne ; car les Athéniens devaient se joindre à lui contre les Chalcidiens avec une flotte et une nombreuse armée.

Chap. 96. Sitalcès donc, de chez les Odryses, se met en mouvement, fait une levée d’abord de Thraces-Odryses ses sujets, en-deçà de l’Hémus et du Rhodope jusqu’à la mer [Propontide] qui regarde d’un côté le Pont-Euxin et de l’autre l’Hellespont ; ensuite de Gètes, au nord de l’Hémus, et de tous les autres peuples qui, au midi de l’Ister, habitent principalement les côtes du Pont-Euxin : or ces Gètes et les peuples de cette contrée, voisins des Scythes, dont ils portent le costume et l’armure, sont tous archers à cheval. Il appela ensuite quantité de Thraces montagnards autonomes, armés de coutelas, et connus sous le nom de Diens, habitans pour la plupart du mont Rhodope. Les uns le suivirent par l’appât d’une solde ; les autres, comme volontaires.

Il fit aussi une levée d’Agrianes, de Lééens et d’autres Péoniens soumis à ses lois. C’étaient les derniers peuples de sa domination ; ils confinaient aux Gréens, aux Lééens-Péoniens, et au fleuve Strymon, qui, du mont Scomius, coule à travers le territoire des Gréens et des Lééens. Telles étaient les bornes de son empire du côté des Péoniens, autonomes à partir de là. Du côté des Triballes, pareillement autonomes, les limites de sa domination étaient le pays des Trères et celui des Tilatéens. Ceux-ci habitent le nord du mont Scomius, et s’étendent vers l’occident jusqu’au fleuve Oscius, qui tombe de la même montagne que le Nestus et l’Èbre, montagne déserte, élevée, et qui tient au mont Rhodope.

Chap. 97. Le royaume des Odryses se dirigeait le long de la mer, depuis Abdères jusqu’à la partie du Pont-Euxin où est l’embouchure de l’Ister. En suivant ces côtes, le plus court trajet, sur un vaisseau marchand, avec le vent toujours en poupe, est de quatre journées et d’autant de nuits de navigation ; tandis que, par terre, le plus court chemin d’Abdères à l’Ister est de onze jours pour l’homme qui marche bien.

Telle est l’étendue littorale de ce royaume : quant à son étendue dans l’intérieur des terres, depuis Byzance jusqu’au pays des Lééens et au fleuve Strymon (car c’est dans cette partie que le royaume s’étend le plus loin de la mer dans l’intérieur des terres), elle est de treize jours pour un homme qui marche bien.

La valeur du tribut payé par tous les pays barbares et par les villes helléniques, tel que le recevait Scuthès, qui, successeur de Sitalcès, l’avait considérablement accru, pouvait être de quatre cents talens d’argent, soit qu’il fût payé en or, soit qu’il le fût en argent.

Les présens en or et en argent ne s’élevaient pas à moins, sans compter les étoffes, ou brodées ou non, et autres objets précieux. On faisait ces présens non seulement au roi, mais encore aux Odryses nobles ou le plus en crédit. En effet, chez les Odryses et autres Thraces, les grands ont établi un usage différent de celui des Perses, l’usage de recevoir plutôt que de donner ; et à leurs yeux, il est plus honteux de refuser que d’essuyer soi-même un refus. À l’aide d’un pouvoir sans bornes, ils ont porté si loin leurs extorsions, que rien, à cette cour, ne se fait qu’avec des présens.

Ce royaume est donc devenu très puissant ; car de tous les états d’Europe entre le golfe d’Ionie et le Pont-Euxin, c’est celui qui est parvenu au plus haut