Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
THUCYDIDE, LIV. III.

tant de rigueur de la part des Lacédémoniens envers ceux de Platée, fut l’espérance de grands services que leur rendraient les Thébains dans la guerre où l’on se trouvait engagé. Ainsi périt Platée, quatre-vingt-treize ans après être devenue l’alliée d’Athènes.

Chap. 69. Cependant les quarante vaisseaux du Péloponnèse partis pour secourir Lesbos, mis en fuite, poursuivis par les Athéniens, et battus de la tempête à la hauteur de la Crète, regagnèrent en désordre les côtes de leur pays. Ils rencontrèrent à Cyllène treize vaisseaux de Leucade et d’Ampracie, et Brasidas, fils de Tellis, arrivé pour aider Alcidas de ses conseils : car les Lacédémoniens, ayant manqué leur projet de secourir Lesbos, jugèrent à propos d’équiper une flotte plus nombreuse, et, pendant que les Athéniens n’avaient que douze vaisseaux à Naupacte, d’aller à Corcyre, en proie alors aux séditions. Ils avaient à cœur de les prévenir avant qu’il leur vînt du secours d’Athènes. Brasidas et Alcidas s’occupaient de cette expédition.

Chap. 70. Les troubles de Corcyre avaient commencé au retour des citoyens faits prisonniers au combat naval d’Épidamne. Les Corinthiens prétendaient les avoir relâchés sur une caution de huit cents talens, que leurs proxènes avaient donnée pour eux : mais la vérité est que ces prisonniers s’étaient laissé engager à leur livrer Corcyre. Ils intriguaient en effet auprès des citoyens, qu’ils visitaient successivement, les pressant de se soulever contre Athènes. Mais, un vaisseau d’Athènes et un de Corinthe ayant amené des députés, il se tint des conférences, et les Corcyréens décrétèrent qu’ils persisteraient, suivant le traité, dans l’alliance d’Athènes, sans rompre pourtant avec les Péloponnésiens, leurs anciens amis. Un certain Pithias, qui, de son propre mouvement, remplissait auprès des Athéniens les fonctions de proxène, était à la tête de la faction du peuple. Les gens de la faction contraire l’appelèrent en justice, l’accusant de vouloir asservir son pays aux Athéniens. Il fut absous, et à son tour il fit mettre en jugement cinq des plus riches citoyens, qu’il accusait d’avoir arraché des palissades du temenos [enceinte sacrée] de Jupiter et d’Alcinus. L’amende, pour chaque pieu, était d’un stater. Condamnés, ils se réfugièrent dans les hiérons en qualité de supplians. Comme la somme était forte, ils demandaient, pour l’acquitter, qu’elle fut partagée en plusieurs paiemens déterminés. Pithias, qui se trouvait membre du sénat, obtint qu’on agirait contre eux suivant la rigueur de la loi. Ces hommes, se trouvant sous le poids d’une condamnation, et apprenant que Pithias voulait profiter du temps où il était encore sénateur pour engager le peuple dans une alliance offensive et défensive avec Athènes, quittèrent leur asile, et, s’armant de poignards, ils se jetèrent impétueusement au milieu du sénat, et tuèrent Pithias et d’autres sénateurs ou particuliers, au nombre de soixante. Quelques partisans de Pithias, mais en petit nombre, se réfugièrent sur la trirème athénienne, qui n’était pas encore partie.

Chap. 71. Après cette exécution, ceux qui l’avaient dirigée convoquèrent les Corcyréens, et se vantèrent d’avoir pris le seul parti qui pût les garantir du joug d’Athènes, ajoutant que ce qui restait à faire, c’était de ne recevoir, ni d’Athènes ni de Corinthe, plus d’un vaisseau à-la-fois ; et s’il s’en présentait davantage, de les traiter en ennemis. Ce qu’ils dirent, ils forcèrent le peuple à le ratifier, et envoyèrent même aussitôt à Athènes des députés pour y exposer ce