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THUCYDIDE, LIV. III.

qu’ils venaient de faire, et les causes qui, selon eux, avaient rendu cette mesure indispensable, et en même temps pour engager ceux de leurs concitoyens qui s’étaient réfugiés dans cette ville, à ne rien faire imprudemment, dans la crainte de quelque malheur.

Chap. 72. Arrivés à Athènes, les députés furent traités en factieux, et tous ceux qu’ils avaient gagnés se virent relégués à Égine. Cependant, une trirème de Corinthe étant abordée de Corcyre avec des députés de Lacédémone, ceux qui se trouvaient à la tête des affaires attaquèrent la faction démocratique, et livrèrent un combat d’où ils sortirent vainqueurs ; mais, la nuit survenue, ceux du parti populaire se réfugient dans l’acropole et sur les hauteurs de la ville, s’y forment en corps d’armée et se fortifient. Ils se rendirent aussi maîtres du port Hyllaïque. Ceux de la faction opposée s’emparèrent et de l’agora, où la plupart avaient leurs maisons, et d’un port voisin de cette agora et qui regarde le continent.

Chap. 73. Le lendemain, il y eut de légères escarmouches. Les deux factions envoyèrent dans la campagne appeler à elles les esclaves, sous promesse de la liberté. La plupart se joignirent au parti démocratique. L’autre parti reçut du continent huit cents auxiliaires.

Chap. 74. Après un jour d’intervalle, un second combat fut livré. Le parti populaire, qui avait l’avantage de la position et du nombre, remporta la victoire. Les femmes le secondèrent vaillamment, lançant des tuiles du haut des maisons, et soutenant le fracas des armes avec un courage au-dessus de leur sexe. Sur le soir, ceux du parti le moins nombreux ayant été repoussés, et craignant que la multitude ne se jetât tumultuairement sur le neôrium [havre], qu’elle ne s’en rendit maîtresse, et qu’eux-mêmes ne fussent massacrés, mit le feu aux bâtimens qui formaient l’enceinte de l’agora et aux maisons contiguës, sans épargner, plus que les autres, celles qui leur appartenaient. Leur dessein était de fermer tout accès à la multitude. Des richesses considérables appartenant au commerce furent brûlées ; et s’il se fût élevé un vent qui eût poussé la flamme du côté de la ville, elle risquait d’être détruite tout entière. Bientôt le combat finit ; les deux factions passèrent la nuit sur leurs gardes, mais tranquilles. Comme c’était le parti démocratique qui venait de remporter, le vaisseau de Corinthe partit secrètement, et la plupart des troupes se transportèrent sur le continent, sans qu’on s’aperçût de leur retraite.

Chap. 75. Le lendemain, Nicostrate, fils de Diitréphès, général athénien, vint de Naupacte apporter du secours avec douze vaisseaux et cinq cents hoplites de Messène. Il entra en composition avec les habitans et leur conseilla de se réconcilier, de mettre seulement en jugement dix des plus coupables qui prirent la fuite, de permettre aux autres de rester, et de faire entre eux et avec les Athéniens un traité par lequel ils s’engageraient à avoir mêmes amis et mêmes ennemis. Il devait partir, cette négociation terminée : mais les chefs de la faction populaire obtinrent qu’il leur laisserait cinq de ses vaisseaux pour que le parti contraire fût moins en état de remuer, et ils s’engagèrent à équiper un même nombre de bâtimens qui le suivraient. Il consentit à cette proposition, et la faction qui avait le dessus choisit ses ennemis pour monter les vaisseaux. Ceux-ci, craignant d’être envoyés à Athènes, se réfugièrent dans l’hiéron des Dioscures. Nicostrate voulut les faire relever et essaya, mais en vain, de les rassurer. La multitude, prenant de