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Cette mesure fut prise à l’unammité ; mais la même union ne régnait pas dans la flotte. Eurybiade désirait l’amener auprès de l’isthme, afin d’unir les forces de mer à celles de terre ; Thémistocle, d’un avis différent, ne voulait point abandonner un poste aussi important que Salamine, où la flotte croisait alors. « Resserrés dans ce détroit, disait-il, nous opposerons un front égal à celui de l’ennemi ; en pleine mer, la flotte des Perses ayant assez d’espace pour se déployer, nous enveloppera de toutes parts. »

La justesse de cette opinion ne paraissant pas frapper également tous les esprits, Thémistocle eut recours à un stratagème. Un émissaire alla, pendant la nuit, annoncer de sa part à Xerxès, qu’une partie des Grecs, le général des Athéniens à leur tête, voulait se déclarer pour lui ; que les autres, saisis d’épouvante, se préparaient la fuite ; qu’il suffisait de les attaquer pour vaincre ces hommes affaiblis par leurs divisions ; mais qu’avant tout, on devait leur rendre la retraite impossible. Xerxès suivit le conseil artificieux de son ennemi.

L’île de Salamine, placée en face d’Éleusis, forme une grande baie où l’on pénètre par deux détroits, l’un à l’est sur les côtes de l’Attique, l’autre vers l’ouest du côté de Mégare ; le premier, à l’entrée duquel on trouve la petite île de Psyttalie, peut avoir sept à huit cents toises environ en quelques endroits, et beaucoup plus de largeur en d’autres. Xerxès détacha deux cents vaisseaux pour fermer entièrement le passage de l’ouest, qui est le plus étroit.

Tout étant disposé pour le combat (480 av. not. ère), Xerxès voulut en être le spectateur et se plaça sur le mont Égalée, qui dominait Salamine. Sa flotte partit en bon ordre ; cependant, lorsqu’elle entra dans le détroit, elle fut obligée de rétrécir son front et par conséquent de s’affaiblir.

Thémistocle avait prévu ces difficultés es pour les Perses ; il les accrut encore en tirant parti d’une circonstance qui aurait pu paraître indifférente aux yeux d’un chef vulgaire. Il savait qu’un vent périodique assez violent soulevait les flots dans ces parages ; il comptait que ce vent n’aurait aucune action sur les vaisseaux grecs, à cause de leur forme plate et peu élevée, tandis qu’il tourmenterait beaucoup ceux des Perses dont la proue présentait une hauteur considérable.

Il attendit le moment précis pour attaquer et vint fondre sur l’amiral, commandé par Ariabignès, frère du roi : c’était le vaisseau le plus fort de l’armée. Deux navires athéniens suivirent Thémistocle, heurtèrent violemment l’amiral et l’accrochèrent. Le commandant des Perses combattit vaillamment, fut tué en brave, et son vaisseau coulé à fond.

Cette première disgrâce devint fatale aux Perses. L’autorité, si puissante quand elle est réunie dans un seul, perdit toute sa force en se partageant. Les chefs, qui n’étaient plus d’accord entre eux, augmentèrent le trouble et la confusion que la mort d’Ariabignès occasionnait dans l’armée : ce fut un avantage dont les Grecs surent profiter.

Ils fondirent avec tant d’impétuosité sur les barbares, que du premier choc leurs éperons percèrent plusieurs vaisseaux ; ils en rendirent un grand nombre inutiles en brisant leurs rames, et parvinrent à mettre le désordre parmi les Phéniciens. Le reste fut bientôt ébranlé, et les vaisseaux mis en fuite par les Grecs rencontrant ceux qui s’avançaient pour combattre, ils heurtaient les uns contre les autres et se brisaient dans le choc.

Artémise, reine d’Halicarnasse, fit preuve dans cette journée d’une rare présence d’esprit. Cette princesse coura-