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rent d’abord et furent repoussés avec un carnage effroyable ; dix mille Perses, commandés par Hydarnès et connus sous le nom de corps des immortels, tentèrent ensuite, mais vainement, d’écraser les Grecs. En un mot, pendant deux jours ils se maintinrent contre l’armée entière, tant ils étaient favorisés par l’avantage du terrain qui les rendait invulnérables, tandis que les premiers rangs ennemis tombaient percés de coups.

Xerxès désespérait de forcer le passage, lorsqu’un habitant de ces cantons, nommé Épialtès, vint lui découvrir le sentier fatal, par lequel on pouvait tourner les Grecs. Le prince, transporté de joie, détacha aussitôt Hydarnès avec le corps des immortels qui brûlait de venger sa défaite. Ils partent au commencement de la nuit sous la conduite d’Épialtès, surprennent le détachement des Phocéens, qui craint d’être enveloppé et se disperse, et après avoir marché toute la nuit, arrivent au haut de la montagne. L’armée suit ce mouvement.

Si jusqu’ici Léonidas montre peu de capacité comme général, on est forcé de convenir qu’une fois tourné, rien n’est plus beau que l’héroïsme qu’il développe et le plan hardi qu’il forme de surprendre Xerxès dans son propre camp.

Il avait été instruit pendant la nuit du projet des Perses, et au point du jour il apprit leur succès par les sentinelles accourues du haut de la montagne. Aussitôt il assemble les chefs des Grecs : « Les lois de Sparte ne me permettent pas de quitter le poste qui m’est confié, leur dit-il ; mais vous, il vous faut réserver pour des temps meilleurs et pour le salut de la Grèce ; allez, elle réclame vos bras. » Les Thespiens protestent qu’ils ne quitteront point les Spartiates ; les quatre cents Thébains prennent le même parti, le reste de l’armée sort du défilé.

Léonidas attendit la nuit (480 av. not. ère), et avec les mille braves qui lui restaient, ayant pénétré dans le camp des Perses, il en fit un massacre épouvantable. Deux frères de Xerxès périrent, et le roi lui-même fut sur le point de tomber entre les mains des Grecs. L’obscurité favorisant leur audace, le carnage dura pendant la nuit entière ; mais au point du jour on reconnut le petit nombre des assaillans, et sans oser les approcher, on les écrasa sous des coups innombrables.

Certes on ne peut douter que le dévouement de ces mille héros n’ait produit un effet moral immense sur la Grèce entière ; l’histoire a donc eu raison d’honorer l’action de Léonidas. Cependant le devoir du général n’est pas celui du soldat ; et si au lieu de se laisser tourner, faute irréparable, Léonidas, par des dispositions plus prudentes, eût arrêté l’armée de Xerxès aux Thermopyles, il aurait plus fait pour sa patrie, et son courage n’exciterait pas moins l’admiration de la postérité. La preuve que l’avantage de la manœuvre appartient aux Perses, c’est qu’ils pénétrèrent en Grèce.




CHAPITRE III.


Combat de Salamine. — Xerxès retourne en Asie ; Mardonius continue la guerre. — Bataille de Platée. — Considérations sur le génie militaire des Grec.


Forcés d’abandonner Athènes à la discrétion de l’ennemi, les confédérés prirent des mesures pour l’empêcher d’envahir la Grèce entière. Ils s’emparèrent du Péloponnèse, élevèrent un mur sur l’isthme qui joint cette péninsule au continent, et confièrent la défense de ce poste important à Cléombrote, frère de Léonidas.