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THUCYDIDE, LIV. IV.

La conformité de langage favorisait leurs excursions. Les Lacédémoniens, jusqu’alors peu exercés au métier de pillards et à cette manière de faire la guerre, voyaient d’ailleurs les Hilotes déserter en foule pour passer à Pylos ; et ils craignaient que, dans leur pays même, ceux-ci ne machinassent quelque complot plus dangereux. Ces irruptions leur causaient donc de vives inquiétudes, qu’ils se gardaient bien toutefois de laisser apercevoir aux Athéniens. Seulement ils leur envoyaient des ambassadeurs pour tâcher d’obtenir et la délivrance de leurs prisonniers, et la restitution de Pylos. Mais Athènes avait bien d’autres prétentions. Vainement multipliaient-ils les ambassades ; les députés étaient toujours renvoyés sans avoir pu rien conclure.

Telle fut l’affaire de Pylos.

Chap. 42. Le même été, aussitôt après ces événemens, les Athéniens portèrent la guerre dans la Corinthie. Ils y envoyèrent, sur quatre-vingts vaisseaux, deux mille de leurs hoplites, et deux cents cavaliers sur des bâtimens construits pour cet usage. Ils avaient avec eux leurs alliés de Milet, d’Andros et de Caryste. Le premier de leurs trois généraux était Nicias, fils de Nicératus. Ils s’embarquèrent au point du jour, et abordèrent entre la Chersonèse et Rheitos, à la côte au-dessus de laquelle s’élève la colline Solygienne.

Là jadis campèrent les Doriens, quand ils firent la guerre aux Corinthiens qui habitaient Corinthe et qui étaient Éoliens. Un bourg nommé Solygie se trouve maintenant sur cette colline, à douze stades du rivage où les vaisseaux prirent terre ; la ville des Corinthiens est à soixante stades de ce même rivage, et l’isthme à vingt stades. Instruit d’avance par ceux d’Argos de l’arrivée prochaine de cette armée, les Corinthiens, excepté ceux qui habitent en dehors de l’isthme [c’est-à-dire, du côté de la Mégaride], s’étaient rendus sur l’isthme. Cinq cents hommes avaient été envoyés en garnison dans l’Ampracie et dans la Leucadie : les autres en très grand nombre, guettaient les Athéniens pour s’opposer à leur descente ; mais ceux-ci trompèrent leur surveillance en abordant de nuit. Cependant les ennemis furent bientôt avertis de leur arrivée par des signaux ; et laissant la moitié de leur monde à Cenchrée, de peur que les Athéniens ne se portassent sur Crommyon, ils se hâtèrent de marcher contre eux.

Chap. 43. Battus, le second de leurs généraux (il y en avait deux à ce combat) prit avec lui une division, et se rendit à Solygie, pour garder cette bourgade, qui n’avait pas de murs. Lycophron fit l’attaque avec le reste. D’abord les Corinthiens donnèrent sur l’aile droite des Athéniens qui venaient de descendre en face de la Chersonèse, et ils attaquèrent ensuite le reste de l’armée. Le combat fut vif ; partout on se battait corps à corps. L’aile droite des Athéniens et des Carystiens, de laquelle les Carystiens formaient l’extrémité, reçut le choc des Corinthiens, et les repoussa quoiqu’avec peine. Ceux-ci gagnèrent une haie ; et, comme le terrain allait en pente, ils se trouvèrent plus élevés que les ennemis, les accablèrent de pierres, chantèrent le péan, et revinrent à la charge. Les Athéniens soutinrent cette seconde attaque, et l’on se battit d’aussi près que la première fois. Mais un corps de troupes corinthiennes accourut au secours de l’aile gauche, mit en fuite l’aile opposée des Athéniens, et les poursuivit jusque sur leurs vaisseaux. Cependant eux et les Carystiens descendirent encore des vaisseaux. Le reste de l’armée combattait des deux côtés avec une égale opiniâtreté, surtout à la droite des