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THUCYDIDE, LIV. IV.

avait été tué ; l’hippagrète qui lui avait succédé gisait, quoique respirant encore, sur le champ de bataille, et Styphon était celui que la loi appelait en troisième ordre au commandement, en cas de mort des deux premiers généraux. Celui-ci, de concert avec les autres chefs qui l’accompagnaient, déclara qu’ils avaient résolu d’envoyer un héraut aux Lacédémoniens du continent, pour les consulter sur ce qu’ils avaient à faire. Comme ces derniers n’envoyaient aucun des leurs, les Athéniens allèrent eux-mêmes appeler les hérauts qui étaient sur la terre ferme, et après deux ou trois messages, la dernière réponse fut que les soldats de Sphactérie eussent à pourvoir à leur salut sans compromettre leur honneur. Ceux-ci donc, après avoir tenu conseil entre eux, livrèrent à l’ennemi leurs armes et leurs personnes. Ce jour-là, et la nuit suivante, on les tint sous bonne garde. Le lendemain, les Athéniens, après avoir élevé un trophée, firent tous les préparatifs pour le transport des prisonniers, qu’ils confièrent à la vigilance des triérarques, et permirent aux Lacédémoniens d’enlever les morts. Quatre cent vingt hoplites avaient passé dans l’île ; on en retira vivans deux cent quatre-vingt-douze, dont environ cent vingt Spartiates ; les autres avaient été tués. Les Athéniens perdirent peu de monde, parce que leurs troupes légères avaient seules combattu.

Chap. 39. La durée du siége, depuis la bataille navale jusqu’à celle qui se donna dans l’île, fut en tout de soixante-douze jours. Pendant les vingt jours que dura l’absence des députés envoyés à Athènes pour traiter de la paix, on fournit des vivres aux assiégés ; le reste du temps, ils ne furent nourris que de ce qui leur était secrètement apporté par des vaisseaux. À leur départ, on trouva du blé et d’autres provisions de bouche : car le général Épitadas distribuait les rations avec plus de parcimonie qu’il ne le devait, eu égard aux provisions faites. Les Athéniens et les Péloponnésiens, retirant leurs troupes de Pylos, s’en retournèrent chacun chez eux, et Cléon, quoiqu’il eût fait la promesse d’un fou, tint parole : car, au terme fixé de vingt jours, les prisonniers étaient à Athènes.

Chap. 40. De tous les événemens de cette guerre, aucun ne trompa davantage l’attente des Hellènes. On savait que ni la faim ni aucune autre extrémité ne faisait rendre les armes aux Lacédémoniens ; que, combattant jusqu’au dernier soupir, ils mouraient les tenant encore à la main. On ne pouvait s’imaginer que les soldats qui avaient livré leurs armes, ressemblassent à ceux de leurs camarades restés sur le champ de bataille. Quelque temps après, un allié des Athéniens demandait à l’un des prisonniers, pour lui faire insulte, si les guerriers tués à Sphactérie étaient de braves gens. « L’atractos, répondit celui-ci (et par ce mot il désignait la flèche), l’atractos serait un bois bien précieux, s’il avait le don de discerner les braves : » donnant à entendre par ce mot que les morts étaient ceux qu’avaient, au hasard, rencontrés les pierres et les traits.

Chap. 41. À l’arrivée des prisonniers, il fut arrêté qu’ils seraient gardés en prison jusqu’à ce qu’un arrangement eût été conclu ; mais qu’ils en seraient tirés pour recevoir la mort, si auparavant les Péloponnésiens faisaient une incursion dans l’Attique. On avait laissé garnison à Pylos. Les Messéniens de Naupacte avaient envoyé ceux d’entre eux qui leur paraissaient les plus propres à remplir leur objet dans une place qu’ils regardaient comme leur ancienne patrie : car le territoire de Pylos faisait autrefois partie de la Messénie. De là ces Messéniens pillaient et ravageaient la Laconie.