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THUCYDIDE, LIV. IV.

d’être attaqué par un bâtiment plus fort que le sien ; si une autre trirème de force égale le rencontrait, elle ne tournerait pas contre le bâtiment le plus faible, et pendant le combat il aurait le temps de se sauver. Il fit heureusement la traversée, et tint aux habitans de Scione les mêmes discours qu’aux Acanthiens et aux peuples de Torone, ajoutant qu’ils méritaient les plus grands éloges, eux qui, véritables insulaires, la Pallène se trouvant bloquée dans l’isthme [et comme séparée du continent] par les Athéniens, maîtres de Potidée, avaient couru spontanément au devant de la liberté, sans attendre timidement que la nécessité les obligeât de chercher un bonheur évident et qui leur appartenait ; que c’était un signe certain qu’ils soutiendraient avec courage les plus fortes épreuves, s’ils passaient sous la constitution qu’ils désiraient ; qu’il les jugeait les plus fidèles amis de Lacédémone et leur témoignerait toute l’estime qu’ils méritaient.

Chap. 121. Les Scioniens sentirent leur courage s’accroître à ce discours ; et tous animés de la même audace, ceux même à qui d’abord avait déplu ce qui se passait, résolurent de supporter la guerre avec constance. Non contens de faire le plus honorable accueil à Brasidas, ils lui décernèrent, aux frais du public, une couronne d’or, comme au libérateur de l’Hellade, et, en particulier, ils lui ceignirent la tête de bandelettes et le traitèrent en athlète victorieux. Il leur laissa pour le moment quelques troupes de garnison, et partit ; mais bientôt après, il leur envoya des forces bien plus considérables, dans le dessein de faire avec eux des tentatives sur Mendé et sur Potidée. Persuadé que les Athéniens ne pouvaient manquer de secourir une possession qu’ils regardaient comme une île, il voulait prendre les devans. Il lia quelques intelligences dans ces villes, et se disposa en même temps à les attaquer.

Chap. 122. Cependant arrivèrent sur une trirème des députés chargés de lui annoncer la trève ; de la part des Athéniens, Aristonyme, et de la part des Lacédémoniens, Athénée. L’armée retourna à Torone. Athénée et Aristonyme communiquèrent à Brasidas les articles convenus. Tous les alliés de Lacédémone dans l’Épithrace adhérèrent à ce qui venait d’être arrêté. Aristonyme donna son aveu à tout ; cependant, en supputant les jours, il reconnut que les Scioniens n’avaient opéré leur défection qu’après la conclusion du traité, et il soutint qu’ils ne pouvaient y être compris. Brasidas, alléguant beaucoup de raisons pour prouver que la défection était antérieure, s’opposait à la restitution de la place. Quand Aristonyme eut rendu compte de l’affaire aux Athéniens, ils se montrèrent prêts à marcher aussitôt contre Scione. Les Lacédémoniens leur envoyèrent une députation pour leur déclarer qu’ils rompaient la trève. Ils réclamaient la place sur le témoignage de Brasidas, se montrant d’ailleurs disposés à terminer l’affaire par voie d’arbitrage ; mais les Athéniens refusaient d’en courir les hasards, et voulaient en venir aussitôt aux armes, indignés que des insulaires songeassent à quitter leur alliance, se reposant sur les forces de Lacédémone ; respectables sur terre, mais inutiles pour eux. La vérité sur la défection de Scione était conforme à ce qu’ils pensaient : cette défection n’avait eu lieu que deux jours après la trève. Ils décrétèrent aussitôt, d’après le rapport de Cléon, qu’il fallait prendre Scione et punir de mort les habitans, et ils laissèrent de côté tout le reste, pour se disposer à l’exécution de ce décret.

Chap. 123. Sur ces entrefaites la ville