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THUCYDIDE, LIV. V.

la crainte d’une diminution d’état, ces hommes, que leur naissance appelait aux plus hauts emplois, ne tentassent quelque mouvement, on les nota d’infamie, quoique plusieurs fussent déjà revêtus de fonctions publiques, les déclarant inhabiles à exercer des magistratures, à acheter ou vendre [des propriétés] : mais dans la suite ils furent réhabilités.

Chap. 35. Le même été, les Dictidiens prirent Thysse, ville alliée d’Athènes, située dans la péninsule de l’Athos. Durant toute la saison, des relations pacifiques subsistèrent entre Athènes et le Péloponnèse : mais aussitôt après la conclusion du traité, des défiances régnèrent entre les Athéniens et les Lacédémoniens, défiances fondées sur ce que ni les uns ni les autres ne se rendaient réciproquement les places qu’ils auraient dû restituer. Les Lacédémoniens, que le sort appelait à faire les premiers ces restitutions, n’avaient pas rendu Amphipolis et d’autres places ; n’engageant ni les alliés de l’Épithrace, ni les Corinthiens, ni les Béotiens, à recevoir la trève. Ils se bornaient à dire et à répéter que s’ils s’y refusaient, on les y contraindrait de concert avec les Athéniens. Sans acte formel, ils avaient fixé un délai après lequel les temporiseurs seraient regardés comme ennemis des deux nations. Les Athéniens, qui voyaient toutes ces promesses rester sans effet, supposaient de mauvaises intentions à Lacédémone ; aussi refusèrent-ils de restituer Pylos, qu’elle réclamait : ils se repentaient même d’avoir rendu les prisonniers de Sphactérie, et gardaient le reste de leurs conquêtes, en attendant qu’elle remplît ses engagemens. Les Lacédémoniens prétendaient, de leur côté, avoir fait récemment ce qui dépendait d’eux, en rendant les prisonniers d’Athènes qui étaient entre leurs mains et retirant les guerriers de la Thrace littorale et des autres lieux dont ils étaient maîtres : mais ils assuraient qu’il n’était pas en leur pouvoir de restituer Amphipolis ; qu’ils essaieraient de disposer à la trève les Béotiens et les Corinthiens, de procurer la restitution de Panactum, de faire rendre tous les prisonniers d’Athènes qui étaient entre les mains des Béotiens. Ils demandaient en même temps qu’on leur rendît Pylos, ou qu’on en retirât du moins les Messéniens et les Hilotes, comme eux-mêmes avaient retiré du littoral de la Thrace leurs soldats, et que les Athéniens missent garnison dans la place, s’ils le jugeaient à propos. À force de renouveler ces négociations dans le cours de l’été, ils persuadèrent enfin aux Athéniens de retirer de Pylos les Messéniens et les autres Hilotes, et tous les déserteurs qui y étaient venus de la Laconie : on les transporta à Cranies, dans l’île de Céphallénie. Ainsi le calme dura tout cet été, et les deux peuples communiquèrent entre eux.

Chap. 36. L’hiver suivant, les éphores n’étaient plus ceux sous lesquels avait été conclue la trève : quelques-uns d’eux y étaient contraires. Il vint à Lacédémone des députés de divers peuples alliés, outre ceux d’Athènes, de la Béotie et de Corinthie ; mais, après beaucoup de conférences, ils ne convinrent de rien. Quand ils se retirèrent, Cléobule et Xénarès, ceux des éphores qui étaient les plus ardens pour la rupture de la trève, eurent des entretiens particuliers avec les députés de la Béotie et de la Corinthie, et les exhortèrent fortement à entrer dans leurs vues, à faire en sorte que les Béotiens, embrassant d’abord eux-mêmes l’alliance d’Argos, se décidassent ensuite, avec les Argiens, pour celle de Lacédémone. Ils représentaient qu’ainsi les Béotiens

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