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THUCYDIDE, LIV. V.

et de trahir ainsi l’armée. Les généraux, d’abord troublés des murmures, firent ensuite descendre les soldats de la colline, s’avancèrent dans la plaine, y campèrent, résolus de marcher contre l’ennemi.

Chap. 66. Le lendemain les Argiens et les alliés se rangèrent dans l’ordre où ils devaient combattre, si l’occasion s’en présentait. Les Lacédémoniens quittaient le bord des eaux pour retourner au même camp, près de l’hiéron d’Hercule, quand tout-à-coup ils voient les ennemis qui, partis tous en bon ordre de la colline, les avaient devancés. Dans ce moment de crise, ils se sentirent saisis de la plus grande terreur : ils n’avaient, en effet, que peu de temps pour se préparer au combat. Ils se hâtent de prendre leurs rangs. Agis dirigeait tous les mouvemens, conformément à la loi ; car, lorsque le roi conduit l’armée, tous lui obéissent. Il commande lui-même aux polémarques ; les polémarques, aux lochages ; les lochages, aux chefs de pentécostys ; ceux-ci, aux énomotarques ; et les énomotarques, chacun à son énomotie. Les ordres des rois, suivant cette marche, arrivent en un clin d’œil ; car, dans une armée lacédémonienne, un petit nombre excepté, tous sont commandans de commandans ; la surveillance est confiée à un grand nombre d’agens.

Chap. 67. L’aile gauche, dans cette journée, était formée par les Scirites, qui, toujours séparés des Lacédémoniens, font un corps distinct. Parmi eux étaient les compagnons d’armes de Brasidas dans la Thrace littorale, et avec ceux-ci les Néodamodes. Venaient ensuite les Lacédémoniens, distribués en lochos, et près d’eux étaient les Arcadiens, d’abord les Héréens, ensuite les Ménaliens ; et à l’aile droite, les Tégéates avec quelques Lacédémoniens, placés à l’extrémité. Leur cavalerie flanquait les deux ailes. C’est dans cet ordre qu’était rangée l’armée lacédémonienne.

Dans celle de leurs ennemis, les Mantinéens occupaient la droite, parce que le combat se donnait sur leur territoire. Près d’eux se trouvaient des Arcadiens alliés ; ensuite les mille hommes d’élite d’Argos, à qui leur république fournissait depuis long-temps à ses frais les moyens de s’exercer ; ils avaient à côté d’eux le reste des Argiens ; ensuite venaient leurs alliés les Cléonéens et les Ornéates ; enfin les Athéniens, qui formaient l’extrémité de l’aile gauche, ayant avec eux la cavalerie de leur pays.

Chap. 68. Tels étaient l’ordonnance et l’appareil des deux armées, dont la plus nombreuse était évidemment celle de Lacédémone. Au reste, je n’ai pu déterminer avec certitude quelles étaient les forces de toutes les nations ensemble, ou celles de chacune en particulier : fidèles à l’esprit mystérieux de leur politique, les Lacédémoniens se gardaient de faire connaître les leurs ; et quant à celles que s’attribuaient leurs ennemis, on ne peut guère y ajouter foi, à cause de cette jactance naturelle aux hommes, qui les porte à l’exagération. Néanmoins, par le calcul suivant, on pourra évaluer le nombre des Lacédémoniens qui se trouvèrent à cette journée. Sept lochos donnèrent, sans compter les Scirites, qui étaient au nombre de six cents. Chaque lochos avait quatre pentécostys, et la pentécostys, quatre énomoties. On combattait sur quatre de front dans chaque énomotie. Tous n’étaient pas rangés sur la même profondeur, mais comme le voulait chaque lochage. En général, ils étaient sur huit de profondeur. En tout, sans compter les Scirites, le premier rang avait quatre cent quarante-huit hommes.

Chap. 69. Les armées étant près d’en