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THUCYDIDE, LIV. V.

bileté à un ennemi prompt à profiter de la désobéissance de deux chefs, ils ne se montrèrent nullement inférieurs en courage. Il est vrai que, dans l’attaque, la droite des Mantinéens fit tourner le dos aux Scirites et aux soldats de Brasidas ; que les Mantinéens, les alliés et les mille hommes d’élite d’Argos, se jetèrent dans l’espace resté vide et tout ouvert ; qu’ils battirent les Lacédémoniens, les enveloppèrent, les mirent en fuite, les poussèrent jusqu’aux bagages, et tuèrent quelques-uns des vieillards postés pour les garder : en sorte que, dans cette partie, les Lacédémoniens eurent le dessous. Mais, le reste de l’armée, et surtout le centre, où était Agis, ayant autour de lui les cavaliers nommés les trois cents, tombèrent sur les vétérans d’Argos, sur les cinq lochos cléonéens et ornéates, et sur ce qui se trouvait d’Athéniens rangés près d’eux, et les mirent en fuite, sans que la plupart eussent osé en venir aux mains. À peine ceux-ci virent-ils avancer les Lacédémoniens, qu’ils cédèrent : plusieurs même, n’ayant pu prévenir le choc qui les accabla soudain, furent foulés aux pieds.

Chap. 73. Les Argiens et leurs alliés ayant fléchi dans le centre, les deux ailes se rompirent dès lors en même temps, et l’aile droite des Lacédémoniens et des Tégéates dépassa les Athéniens et les tourna. Ceux-ci couraient des deux côtés un grand péril, déjà vaincus d’une part, et de l’autre investis. Ils auraient souffert plus que tout le reste de l’armée, si la cavalerie qui se trouvait avec eux ne les eût protégés. D’ailleurs Agis, voyant sa gauche souffrante et pressée par les Mantinéens et les mille hommes d’Argos, donna l’ordre à toute l’armée de passer à l’aile qui avait du dessous. Comme, par cette manœuvre, les troupes opposées aux Athéniens défilaient et s’éloignaient d’eux, ils se sauvèrent à loisir, et avec eux les Argiens vaincus. Les Mantinéens, leurs alliés, et l’élite des Argiens, ne pensèrent plus à presser les ennemis, mais s’enfuirent, voyant les leurs défaits, et les Lacédémoniens prenant un avantage décidé. La plupart des Mantinéens périrent ; l’élite des Argiens se sauva presque entière. La fuite de ceux-ci et la retraite des Athéniens ne furent ni pénibles ni longues : car les Lacédémoniens, tant qu’ils n’ont pas contraint les ennemis à céder, combattent avec autant de constance que d’énergie ; mais dès qu’ils les ont mis en fuite, ils ne les poursuivent ni long-temps, ni vivement.

Chap. 74. Telles furent, ou à très peu de chose près, les circonstances de cette bataille, la plus mémorable que les Hellènes eussent donnée depuis long-temps, et à laquelle concoururent les villes les plus importantes. Les Lacédémoniens offrirent en spectacle les armes des ennemis tués, dressèrent un trophée, dépouillèrent les morts, recueillirent les leurs, les portèrent à Tégée, où l’on célébra leurs funérailles, et, par accord, rendirent ceux des ennemis. Dans cette journée, les Argiens, les Ornéates et les Cléonéens perdirent en tout sept cents hommes ; les Mantinéens, deux cents ; les Athéniens, y compris les Éginètes, autant, et de plus l’un et l’autre de leurs généraux. Les alliés de Lacédémone eurent trop peu à souffrir pour que leur perte soit digne de mention : celle des Lacédémoniens n’est pas exactement connue ; cependant on la portait à trois cents hommes.

Chap. 75. Avant la bataille, l’autre roi de Lacédémone, Plistoanax, accourait avec les vieillards et la jeunesse. Il vint jusqu’à Tégée ; mais, sur la nouvelle de la victoire, il se retira. Les Lacédémoniens envoyèrent contremander les Corinthiens et les peuples situés hors de