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THUCYDIDE, LIV. VI.

suite, et, jouissant à l’avenir de la paix intérieure, vous aurez sur l’Hellade entière un empire qu’elle vous offrira d’elle-même, un empire fondé non sur la violence, mais sur la bienveillance et l’estime. »

Chap. 93. Ainsi parla Alcibiade. Les Lacédémoniens avaient déjà conçu le projet de marcher contre Athènes ; cependant ils différaient et attendaient l’occasion de se déclarer. Mais quand ils eurent appris de sa bouche tous ces détails, assurés qu’ils venaient d’entendre un témoin bien instruit, leur irrésolution cessa. Toutes leurs pensées s’arrêtèrent à fortifier Décélie, et à faire partir sur-le-champ des secours pour la Sicile. Gylippe, fils de Cléandridas, choisi à l’instant même pour commander aux Syracusains, devait se consulter avec eux et avec les Corinthiens, et employer tous les moyens qui seraient en son pouvoir pour procurer au plus tôt à Syracuses le plus puissant renfort. Il pressa les Corinthiens de lui expédier sur-le-champ à Asine deux vaisseaux de Corinthe, d’appareiller tous ceux qu’on pourrait lui envoyer, et de les tenir prêts à mettre en mer lorsqu’il serait temps. Les Corinthiens promirent de se conformer à ses intentions et partirent de Lacédémone.

Alors arriva à Athènes la trirème que les généraux athéniens avaient dépêchée de Sicile pour demander des munitions et de la cavalerie. Sur cette réquisition, les Athéniens décrétèrent un envoi de cavalerie et de subsistances.

L’hiver finissait, avec la dix-septième année de la guerre dont Thucydide a écrit l’histoire.

Chap. 94. L’été suivant, dès les premiers jours du printemps, les Athéniens qui étaient en Sicile appareillèrent de Catane, et se rendirent, en suivant les sinuosités des côtes, à Mégares de Sicile. Les Syracusains, comme je l’ai dit plus haut, en avaient chassé les habitans du temps de Gélon, et étaient restés maîtres du pays. Les Athéniens y firent une descente, ravagèrent les campagnes, s’avancèrent jusqu’à un fort des Syracusains, et, n’ayant pu le prendre, gagnèrent par terre et par le fleuve Térias, entrèrent dans la plaine, la saccagèrent et incendièrent les champs de blé. Ils rencontrèrent des Syracusains en assez petit nombre, en tuèrent quelques-uns, dressèrent un trophée et retournèrent à leurs vaisseaux ; puis revenant à Catane, ils en tirèrent des subsistances, et se portèrent avec toute l’armée à Centoripes, place des Sicules. Après l’avoir reçue à composition et mis le feu aux blés des Inesséens et des Hybléens, ils se retirèrent. De retour à Catane, ils y trouvèrent deux cent cinquante hommes de cavalerie qui arrivaient d’Athènes avec leurs équipages, mais sans chevaux, parce qu’on avait pensé qu’il leur en serait fourni en Sicile. Il leur vint aussi trente archers à cheval et trois cents talens d’argent.

Chap. 95. Dans le même printemps, les Lacédémoniens marchèrent contre Argos et s’avancèrent jusqu’à Cléones : mais il survint un tremblement de terre, et ils se retirèrent. Les Argiens se répandirent ensuite dans la Thyréatide, pays situé sur leurs frontières, et firent sur les Lacédémoniens un riche butin, qui ne leur valut pas moins de vingt-cinq talens.

Peu de temps après et dans le cours du même été, le peuple de Thespies se souleva contre ses magistrats, mais sans pouvoir, quoique secondé par les Athéniens, s’emparer du gouvernement. Les uns furent pris, les autres réduits à chercher un refuge à Athènes.

Chap. 96. Les Syracusains apprennent dans le même été que les Athéniens,