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THUCYDIDE, LIV. VI.

longeait jusqu’à la mer. De tous côtés, il leur arrivait d’Italie des munitions. Il leur vint aussi de chez les Sicules quantité d’alliés restés jusque là dans l’irrésolution, et de la Tyrsénie, trois pentécontores.

Tout enfin allait de manière à leur donner de meilleures espérances. Les Syracusains ne comptaient plus sur la supériorité, ne voyant arriver aucun secours du Péloponnèse ; ils parlaient entre eux d’accommodement, et en portaient des paroles à Nicias ; car lui seul commandait depuis la mort toute récente de Lamachus. Rien ne se concluait : mais, comme on devait l’attendre de gens hors d’eux-mêmes, et plus resserrés que jamais, on faisait des propositions de toute espèce au général ennemi, et l’on s’accordait encore moins dans l’intérieur de la ville. Le malheur des circonstances avait semé les soupçons entre les citoyens. On destitua les généraux sous lesquels étaient arrivés des échecs qu’on ne manquait pas d’attribuer à leur mauvaise fortune ou à leur perfidie. On leur en substitua de nouveaux, Héraclide, Euclès et Tellias.

Chap. 104. Cependant Gylippe de Lacédémone et les vaisseaux partis de Corinthe, étaient sur les côtes de la Leucadie portant au plus tôt des secours en Sicile ; mais il leur arrivait de fâcheuses nouvelles, et toutes, d’accord dans leur fausseté, portaient que déjà Syracuses était entièrement investie d’un mur de circonvallation. Gylippe n’eut donc plus, du côté de ce pays, aucune espérance. Voulant du moins s’attacher l’Italie, il se hâta, avec Pythen de Corinthe, de traverser la mer d’Ionie pour arriver à Tarente. Ils avaient deux vaisseaux de Lacédémone et deux de Corinthe. Les Corinthiens, indépendamment des dix vaisseaux qui leur appartenaient, devaient mettre en mer lorsqu’ils auraient équipé deux vaisseaux de la Leucadie, trois d’Ambracie. Gylippe, de Tarente, alla négocier dans la Thuriatide, où il avait hérité, de son père, du droit de cité ; mais ne pouvant gagner les habitans, remit en mer et côtoya l’Italie. Du golfe Térinéen, emporté par un vent très violent lorsqu’il est fixé au nord, il fut jeté dans la haute mer ; puis, après avoir lutté contre la tempête, il revint prendre terre à Tarente, et fit tirer à sec, pour les radouber, les vaisseaux qui avaient souffert.

Nicias apprit qu’il était en mer, et n’eut que du mépris pour le petit nombre de vaisseaux qui l’accompagnaient. Les habitans de Thurium éprouvèrent le même sentiment. On le regardait comme équipé plutôt pour exercer la piraterie que pour faire la guerre, et personne encore ne se joignit à lui.

Chap. 105. À la même époque de cet été, les Lacédémoniens entrèrent dans l’Argolide avec leurs alliés, et saccagèrent une grande partie de la campagne. Les Athéniens, avec trente vaisseaux, amenèrent des secours aux Argiens ; et par là, rompirent ouvertement la trève avec les Lacédémoniens ; car jusque là ils s’étaient bornés à guerroyer de concert avec les Argiens et les Mantinéens, en sortant de Pylos pour faire la piraterie, non sur les côtes de la Laconie, mais sur celles du reste du Péloponnèse. Invités plusieurs fois par les Argiens à approcher, seulement en armes, des côtes de la Laconie, et à se retirer après en avoir dévasté quelque faible partie, ils l’avaient refusé. Mais en cette occasion, sous le commandement de Pythodore, de Læspodius et de Démarate, descendus à Épidaure-Liméra, à Prasie, et en d’autres campagnes, ils les avaient saccagées : ce qui donnait aux Lacédémoniens un juste motif de se défendre contre eux.