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THUCYDIDE, LIV. VI.

faisant partie d’Épipoles, regarde en cet endroit le grand port ; point d’où le mur de circonvallation, traversant la plaine et le marais pour descendre vers le grand port, devenait très court. Les Syracusains, de leur côté, à partir de la ville, construisirent de nouvelles palissades qui traversaient le marais, et creusèrent en même temps un fossé parallèle à ces palissades, afin d’empêcher les Athéniens de prolonger leurs ouvrages jusqu’à la mer. Ceux-ci, ayant terminé leurs travaux sur le rocher, marchèrent contre ces nouveaux ouvrages, envoyèrent ordre à leur flotte de doubler Thapsos et de s’avancer jusqu’au grand port de Syracuses, puis, au point du jour, descendirent d’Épipoles dans la plaine, jetèrent sur le marais, à l’endroit où il est bourbeux et presque solide, des portes et de larges planches, et le traversèrent. Dès l’aurore, ils étaient maîtres des fossés et des palissades, si l’on en excepte une partie qu’ils prirent bientôt après. Il se donna un combat où ils eurent le dessus. L’aile droite des Syracusains prit la fuite du côté de la ville, et l’aile gauche le long du fleuve. Les trois cents hommes d’élite d’Athènes coururent au pont pour leur couper le passage. Les Syracusains, qui avaient là une grande partie de leur cavalerie, craignant que le pont ne fût intercepté, s’avancèrent contre ces trois cents, les mirent en fuite, et attaquèrent l’aile droite des Athéniens. Cette impétuosité porte l’effroi dans les premiers rangs : Lamachus, qui le voit, accourt avec les Argiens et quelques archers ; il vient, de l’aile gauche, donner du renfort. Mais au passage d’un fossé, n’ayant que peu d’hommes qui le passaient avec lui, il fut tué avec cinq ou six des siens. Les Syracusains, sans délai, enlevèrent ces morts, et les transportèrent au-delà du fleuve en lieu sûr, puis se retirèrent, voyant s’avancer la division des Athéniens.

Chap. 102. Cependant ceux qui d’abord avaient fui du côté de la ville, à la vue de ce qui se passait, reprirent courage, revinrent sur leurs pas, firent face aux Athéniens qui étaient devant eux, et envoyèrent un détachement aux constructions de celle des collines des Épipoles qui domine les marais, croyant ces constructions abandonnées, et par là faciles à enlever. Ils s’emparèrent en effet de la fortification avancée qui avait mille pieds, et la pillèrent ; mais la présence de Nicias protégea les constructions où il se trouvait retenu par une indisposition. En effet, il ordonna aux valets, auxquels il ne voyait pas d’autre moyen pour être les plus forts, de mettre le feu à tout ce que l’on avait de machines et de bois en avant du retranchement. Ce qu’il avait prévu arriva : l’incendie empêcha l’approche des Syracusains qui se retirèrent ; et de plus, un renfort d’Athéniens qui avaient poursuivi l’ennemi au bas de la plaine, revint du côté de l’enceinte ; et dans le même temps, suivant l’ordre donné, les vaisseaux voguaient de Thapsos vers le grand port. Ceux des Syracusains qui étaient sur les hauteurs, à la vue de ces mouvemens, se retirèrent à la hâte et rentrèrent dans la ville, ainsi que toute l’armée, ne se croyant plus, avec ce qu’ils avaient de forces, en état d’empêcher la conduite des constructions dirigées vers la mer.

Chap. 103. Les Athéniens érigèrent ensuite un trophée, accordèrent aux ennemis la permission d’enlever leurs morts, et reçurent le corps de Lamachus et des guerriers tués à ses côtés. Ayant alors toutes leurs forces de terre et de mer, ils ceignirent les assiégés d’un double mur, qui, partant de la partie la plus escarpée des Épipoles, se pro-

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