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THUCYDIDE, LIV. VII.

d’eux. Ils la montèrent le lendemain, rasèrent la côte, prenant terre devant chacune des villes, excepté celles des Locriens, et arrivèrent enfin à Pétra, place du territoire des Rhégiens.

Chap. 36. Cependant les Syracusains, apprenant qu’ils étaient en mer, résolurent de hasarder encore un combat et sur mer et sur terre, avec l’armée qu’ils avaient rassemblée dans le dessein de prévenir l’arrivée du renfort. Ils firent dans la construction de leurs vaisseaux des changemens dont le précédent combat avait démontré la nécessité : ils rendirent les proues plus courtes et plus fortes, y fixèrent des oreilles plus épaisses, et à ces oreilles ils adaptèrent, le long des parois des vaisseaux, des étançons de six coudées en dedans et en dehors : c’était ainsi que les Corinthiens, pour le combat de Naupacte, avaient ajusté les proues de leurs bâtimens. Les Syracusains se promettaient la supériorité sur les navires athéniens, moins renforcés et faibles de la proue, parce que leur usage était d’attaquer non en s’avançant de front contre les proues des ennemis, mais en les prenant par le flanc. Ils croyaient aussi qu’il leur serait avantageux de combattre dans le grand port, où l’espace serait étroit pour un grand nombre de vaisseaux : qu’en donnant de la proue, et présentant l’attaque avec de larges et solides éperons, contre des vaisseaux qui manquaient d’épaisseur et de solidité, ils en briseraient sans peine les avans ; que, dans un espace resserré, les Athéniens ne pourraient ni tourner la flotte ni s’ouvrir un passage à travers, manœuvre dans laquelle ils mettaient la plus grande confiance. Tous leurs efforts seraient employés à ne pas laisser rompre leur ligne, que le peu d’espace préserverait d’ailleurs d’être tournée. Ils emploieraient avec succès la manœuvre qui, dans le premier combat, avait paru ignorance de la part des pilotes, laquelle consistait à heurter proue contre proue : les Athéniens repoussés ne pourraient reculer que vers la terre, à la hâte, dans un lieu resserré, dans un camp. Ils seraient, eux Syracusains, maîtres du reste du port ; et les Athéniens, dans le cas où ils seraient forcés, se porteraient dans un lieu étroit (le Mychos), tombant pêle-mêle les uns sur les autres : désordre qui dans toutes les batailles navales avait singulièrement nui aux Athéniens. Tandis que les vaisseaux syracusains auraient l’avantage de s’élancer de la pleine mer à l’attaque, et de reculer ensuite à leur gré, les Athéniens ne pourraient ni reculer ni se mouvoir comme eux dans toute l’enceinte du port, position d’autant plus critique qu’ils auraient contre eux et Plemmyrium [qu’on leur avait enlevé], et l’entrée resserrée du port.

Chap. 37. Les Syracusains, ayant ainsi ajouté à leurs connaissances et à leurs forces, et se trouvant en même temps plus encouragés par le succès du dernier combat naval, attaquèrent à-la-fois avec les troupes de terre et avec la flotte. Gylippe, un peu avant que les vaisseaux se missent en mouvement, avait fait sortir les troupes de terre, et les avait menées aux lignes des Athéniens sur toute l’étendue qui regarde la ville, tandis que, de l’autre côté de ces ouvrages, accourait, par son ordre, tout ce qu’il y avait à l’Olympium d’hoplites, de cavalerie et de troupes légères. Aussitôt après se mirent en mer les vaisseaux des Syracusains et des alliés. Les Athéniens, qui d’abord s’attendaient à ne voir agir que les troupes de terre, furent troublés en voyant aussi tout-à-coup la flotte s’avancer. Les uns se mettaient en bataille sur le mur, les autres en avant ; d’autres marchaient contre la cavalerie et les gens

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