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THUCYDIDE, LIV. VII.

de trait, qui s’avançaient rapidement de l’Olympium et des environs, d’autres à-la-fois montaient sur les vaisseaux et portaient du secours sur la côte. Dès que les bâtimens furent garnis de troupes, on les conduisit à l’ennemi, au nombre de soixante-quinze. Les Syracusains en avaient à peu près quatre vingts.

Chap. 38. Pendant la plus grande partie du jour, on ne fit que se charger, se repousser, s’essayer réciproquement, sans avantage décidé de part ni d’autre (si ce n’est que les Syracusains coulèrent bas un ou deux vaisseaux athéniens) et l’on se sépara. En même temps l’armée de terre des Syracusains s’éloigna de la circonvallation (des Athéniens). Le lendemain les Syracusains se tinrent en repos, sans laisser pénétrer leurs intentions. Les forces s’étant montrées égales sur mer, Nicias s’attendait à voir les ennemis recommencer l’attaque. Il obligea les triérarques à faire radouber ceux des vaisseaux qui avaient souffert, et ordonna de mettre à l’ancre des bâtimens de charge, en avant des palis qu’il avait plantés sur le rivage devant les vaisseaux, qui de la sorte se trouvaient enfermés comme dans un port. Il disposa ces bâtimens à deux plèthres l’un de l’autre, pour ménager aux vaisseaux qui seraient repoussés une retraite sûre d’où ils retourneraient à loisir au combat. Ces travaux occupèrent les Athéniens tout le jour, et ne se terminèrent qu’à la nuit.

Chap. 39. Le lendemain, de meilleure heure que la veille, les Syracusains firent, par terre et par mer, une attaque semblable à la précédente. Les deux flottes, en présence, passèrent encore une grande partie de la journée à se harceler. Mais enfin Ariston de Corinthe, fils de Pyrrichus, le meilleur pilote qui fût à Syracuses, conseilla aux commandans de la flotte d’envoyer ordre à ceux qui, dans la ville, étaient chargés de la police, d’établir à la hâte un marché sur le bord de la mer, et d’obliger les marchands à y apporter en vente tout ce qu’ils avaient de comestibles : les gens de la flotte descendraient, prendraient sur-le-champ un repas près des vaisseaux, et presque aussitôt après feraient une seconde attaque, à laquelle les Athéniens seraient loin de s’attendre.

Chap. 40. On le crut, on envoya l’ordre, le marché fut prêt. Aussitôt les Syracusains ramèrent de la poupe, se rapprochèrent de la ville, descendirent et prirent leur repas. Les Athéniens, croyant qu’ils se retiraient par faiblesse, descendirent à terre, et s’occupèrent à loisir et des apprêts du repas et d’autres soins encore, pensant bien n’avoir plus à combattre du reste de la journée. Mais tout-à-coup les Syracusains appareillent et s’avancent une seconde fois. Les Athéniens, dans le plus grand trouble, encore à jeun la plupart, montent sans ordre sur la flotte, et ne viennent qu’avec peine à la rencontre. Pendant quelque temps on reste dans l’inaction, on s’observe. Les Athéniens, ne jugeant pas à propos de s’épuiser eux-mêmes, restant dans le même lieu et s’y excédant de fatigue, se décident enfin à ne plus différer l’attaque ; ils s’animent mutuellement ; ils engagent l’action. Les Syracusains les reçoivent, et, frappant de la proue, comme ils l’avaient résolu, brisent à coups d’éperons l’avant de leurs vaisseaux, qui, en même temps du haut des ponts, sont couverts d’une grêle de javelots. Mais les malheureux Athéniens eurent bien plus à souffrir des troupes qui montaient les barques légères ; elles tombaient sur les rangs de rameurs de leurs vaisseaux, dont elles rasaient les flancs, en accablant de traits les équipages.