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THUCYDIDE, LIV. VII.

Chap. 43. Démosthène ensuite voulut tenter l’attaque du mur de contrevallation avec des machines de guerre : il les fit avancer ; mais elles furent brûlées par les ennemis, qui se défendaient du haut des murailles. Le reste de ses troupes attaqua sur divers points, et fut repoussé. Ne croyant pas devoir perdre plus de temps, il persuada à Nicias et aux autres commandans d’attaquer Épipoles. Il jugeait impossible, pendant le jour, de s’avancer et de franchir la hauteur sans être aperçu ; il ordonna aux soldats de se pourvoir de vivres pour cinq jours ; et, prenant avec lui les appareilleurs, les maçons, tous les gens de trait, tout ce qui était nécessaire pour se retrancher si l’on avait l’avantage, il marcha sur Épipoles à la première veille, avec Eurymédon, Ménandre et toute l’armée. Nicias demeura dans les retranchemens. Ainsi que la première fois, on monta par Euryèle, sans être découvert par les gardes avancées ; on attaqua, on enleva les ouvrages des Syracusains en cet endroit : quelques hommes de la garnison furent tués ; la plupart fuirent et gagnèrent les camps d’Épipoles. Il y en avait trois dans les fortifications avancées, celui des Syracusains, celui des autres Siciliens et celui des alliés. Les fuyards annoncèrent l’arrivée de l’ennemi aux six cents Syracusains qui, de ce côté, formaient la première garde d’Épipoles. Ceux-ci accourent ; Démosthène et les Athéniens les rencontrent, et, malgré la vigueur de leur défense, les mettent en fuite, et vont aussitôt en avant pour ne point laisser refroidir l’ardeur du soldat, et afin de terminer l’affaire qui les amenait. D’autres en même temps, s’emparaient d’emblée des premiers travaux abandonnés par la garde, et en arrachaient les créneaux. Les Syracusains et leurs alliés, Gylippe et ses soldats, sortirent des fortifications avancées. Comme on ne s’était pas attendu, pendant la nuit, à une entreprise aussi audacieuse, les troupes combattirent timidement, se laissèrent forcer et d’abord firent retraite. Les Athéniens s’avançaient en désordre, comme vainqueurs et impatiens d’achever de rompre à l’instant tout ce qui tenait encore, dans la crainte, s’ils laissaient à l’ennemi le temps de se reconnaître, qu’il ne parvînt à se rallier. Les Béotiens les premiers leur opposèrent de la résistance, les chargèrent, les firent reculer, les mirent en fuite.

Chap. 44. Dès-lors les Athéniens furent dans le plus grand désordre, et leur trouble devint tel, que ni eux ni leurs adversaires ne pouvaient aisément expliquer ce qui était arrivé. En plein jour, ceux qui se trouvent à une affaire sont mieux instruits, sans cependant tout savoir ; chacun n’a connaissance, et encore une connaissance imparfaite, que de ce qui se passe autour de lui : le moyen donc que, dans un combat de nuit tel que celui-ci, le seul qui, dans cette guerre, ait eu lieu entre deux armées considérables, on puisse savoir nettement ce qui s’est passé ? À la vérité la lune brillait : mais on se voyait les uns les autres comme on peut se voir à cette clarté : on apercevait bien la forme des corps, mais non de manière à distinguer l’ami de l’ennemi. Des hoplites des deux partis se trouvaient, non en petit nombre, resserrés dans un espace étroit. Des corps athéniens étaient déjà vaincus, tandis que d’autres s’avançaient n’ayant pas encore donné. Du reste de leur armée, une partie venait de monter, une autre arrivait. Ils ne savaient où aller ; car déjà, la fuite étant décidée, le trouble était général, et difficilement se reconnaissait-on à la voix. Les Syracusains et les alliés victorieux s’animaient les uns les autres à grands cris, n’ayant