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THUCYDIDE, LIV. VII.

res, ils avaient essuyé de fréquens échecs : ils en avaient été découragés ; mais depuis leur défaite inopinée sur mer, ils perdaient jusqu’à la dernière lueur d’espérance.

Chap. 56. Cependant les Syracusains, ayant intrépidement longé le port, songeaient à en clore l’entrée, de peur que les Athéniens, s’ils en avaient le projet, n’en sortissent à leur insu. Ce n’était plus à se sauver eux-mêmes qu’ils mettaient leurs soins, mais à empêcher les Athéniens de se sauver. Ils croyaient, ce qui était vrai, que leur position était meilleure, et que s’ils pouvaient remporter sur les Athéniens une victoire décisive sur terre et sur mer, ils s’honoreraient aux yeux des Hellènes par une lutte glorieuse ; car, dès ce moment, les autres Hellènes seraient, les uns délivrés, les autres hors de la crainte. Les forces qui resteraient aux Athéniens deviendraient insuffisantes à soutenir la guerre qu’on leur ferait, et les Syracusains, à qui l’on attribuerait ces brillans résultats, commanderaient le respect à leur siècle et aux âges à venir : lutte mémorable, surtout parce qu’ils auraient vaincu les Athéniens et des alliés armés pour la même cause ; et parce que, s’ils n’avaient pas vaincu seuls, mais avec des auxiliaires, ils avaient du moins partagé le commandement avec les Lacédémoniens et les Corinthiens, fait en quelque sorte de leur ville le bouclier de la Sicile, et donné un grand lustre à leur marine. En effet, jamais, jusqu’à cette guerre-ci, qui réunit tant de peuples pour Athènes ou Lacédémone, on n’en avait vu un aussi grand nombre ligué contre une seule république.

Chap. 57. Voici les nations qui combattirent avec ces deux républiques, pour ou contre la Sicile, devant Syracuses : les unes, afin de partager la conquête du pays, les autres, pour s’y opposer. Elles avaient embrassé l’un ou l’autre parti, non par esprit de justice ou en considération d’une commune origine, mais ou cédant à la nécessité, ou éblouies des chances de succès que leur présentaient les circonstances.

Les Athéniens, Ioniens d’origine, marchèrent avec joie contre les Syracusains, qui étaient Doriens ; et, avec eux, des peuples qui avaient même langue et mêmes usages, ceux de Lemnos et d’Imbros, et les Éginètes, alors maîtres d’Égine.

Les Hestiéens, qui habitaient Hestiée en Eubée, unirent leurs armes à celles des Athéniens, dont ils étaient colonie. D’autres peuples prirent part à cette entreprise à titre de sujets, ou comme alliés libres, ou comme soudoyés.

Entre les sujets soumis au tribut, on comptait les Érétriens, les Chalcidiens, les Styriens et les Carystiens, tous de l’île d’Eubée ; des îles étaient venus ceux de Céos, d’Andros et de Téos ; et de l’Ionie, les Milésiens, les Samiens et ceux de Chio, qui, non tributaires, suivaient en qualité d’auxiliaires et fournissaient des vaisseaux.

La plupart de ces peuples sont Ioniens et originaires d’Athènes, excepté les Carystiens, qui appartiennent à la Dryopide. Sujets, ils obéissaient ; Ioniens, ils marchaient volontiers contre des Doriens.

Il y avait en outre des Éoliens. Ceux de Méthymne étaient tenus de fournir des vaisseaux et non pas un tribut. Ténédos et Énia payaient tribut. Ces Éoliens se trouvèrent dans la nécessité de combattre d’autres Éoliens, contre les Béotiens, leurs fondateurs, qui étaient avec les Syracusains ; mais les Platéens, qui étaient Béotiens, seuls d’entre les peuples de la Béotie, firent la guerre aux Béotiens pour satisfaire leur haine.

Les Rhodiens et les Cythéréens sont d’origine dorienne : ceux de Cythères,