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sans les secours que Sparte et Corinthe envoyèrent si à propos. Nicias pouvait se retirer sans perte, mais il n’était pas aussi instruit que Périclès ; il crut devoir différer son départ à la vue d’une éclipse de lune qui lui parut d’un mauvais présage, et ce retard causa la destruction de son armée.

C’est pendant cette guerre que l’on commença à comprendre de quelle utilité pouvait être un corps de réserve capable de donner les moyens de remédier aux maux qu’éprouve souvent la ligne de bataille, soit en renforçant à propos sa partie faible, soit en garantissant ses flancs et ses derrières. Cette disposition précieuse, qu’aucun général n’a pu négliger depuis sans s’exposer aux échecs les plus terribles, est due, on le suppose, aux Lacédémoniens.

On voit aussi par le détail que Thucydide nous fait de la première bataille de Mantinée, que ce peuple connaissait l’usage du pas cadencé.

« Ils allèrent, dit-il, à l’ennemi au son de la flûte, pour que la mesure de l’instrument réglât leur marche, l’empêchât de l’accélérer, et que la phalange ne pût se rompre avant de croiser la pique. » Le maréchal de Saxe, que la seule force de la méditation conduisit à deviner le tact des anciens, comme il le nomme, et qui le rétablit dans nos armées, n’aurait pas cherché ce problème si long-temps, s’il eût connu ce passage de Thucydide.

Cette bataille de Mantinée (417 av. not. ère), livrée par Agis, roi de Sparte, et ses alliés, contre les Athéniens et ceux de leur parti, nous montre que s’il est dangereux de s’ouvrir quand on s’approche pour la charge ou quand l’action est engagée, on peut toujours corriger une mauvaise disposition, et que la plus petite circonstance suffit souvent à un chef habile pour ramener vers lui la victoire.

Les deux armées se trouvèrent en présence auprès d’un temple d’Hercule, où les Argiens et leurs alliés s’étaient emparés d’un poste fortifié par la nature. Les Lacédémoniens s’avançaient contre eux et n’en étaient éloignés que de la portée du javelot, lorsque sur la représentation d’un vieillard, Agis changeant d’avis, se retira tout-à-coup avec ses troupes. Il entra dans la campagne de Tégée, et détourna, du côté de Mantinée, des eaux qui étaient une occasion de guerre entre les Mantinéens et les Tégéates ; car de quelque côté qu’elles se portassent, elles causaient beaucoup de mal. Agis supposait que les Argiens dès qu’ils s’apercevraient de son dessein, quitteraient leur position, et que la bataille se donnerait dans la plaine.

Ceux-ci en effet étonnés de la retraite subite des Lacédémoniens, ne savaient d’abord que conjecturer ; mais bientôt ils accusèrent leurs généraux de trahison, et les forcèrent de descendre de la colline afin de poursuivre les fuyards.

Le lendemain, les Lacédémoniens quittant le bord des eaux pour retourner à leur camp, aperçurent les ennemis rangés en bon ordre, et qui n’attendaient qu’un signal pour les attaquer. Ils ne se souvenaient pas d’avoir jamais été frappés d’une telle frayeur, dit Thucydide. Il fallait cependant se préparer au combat ; ils prirent leurs rangs avec la plus grande précipitation.

Les Scirites se trouvèrent dans cette journée à l’aile gauche[1] : seuls des Lacédémoniens, ils avaient le privilége de n’être jamais séparés, ni mêlés avec d’autres troupes. Près d’eux étaient les soldats qui avaient fait la guerre en Thrace sous Brasidas, et avec ceux-ci les Néodamodes. Ensuite venaient les

  1. Voyez l’ATLAS.