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Lacédémoniens, les Héræens qui faisaient partie des Arcades, puis les Mænaliens.

Dans l’armée opposée, les Mantinéens occupaient la droite, parce que c’était sur leur territoire qu’on livrait la bataille. Près d’eux étaient les Arcades alliés, ensuite les mille hommes d’élite d’Argos, à qui leur république fournissait depuis long-temps les moyens de s’exercer. Ils étaient suivis du reste des Argiens, des Cléonéens et des Ornéates. Les Athéniens formaient la gauche, et avaient avec eux leur cavalerie.

L’aile droite des Mantinéens s’étendait beaucoup. Agis, qui craignait que sa gauche ne fût enveloppée, donna ordre aux Scirites et aux troupes de Brasidas de se desserrer, afin de prendre un front égal à celui des Mantinéens. Cette manœuvre ayant occasionné un vide, Agis commanda ensuite aux polémarques Hipponoides et Aristoclès, de s’avancer de l’aile droite avec deux lochos pour remplir cet intervalle. Agis pensait que sa droite était encore assez garnie, et que sa gauche allait devenir assez ferme pour résister aux Mantinéens.

Les polémarques ayant désobéi, la droite de l’ennemi coupa la gauche d’Agis en se jetant dans l’espace qui était resté vide. De ce côté, les Lacédémoniens furent mis en fuite et poussés jusqu’à leurs bagages.

En donnant ses ordres, Agis avait compté sur trois choses que tout général est contraint d’attendre de ses troupes : habileté dans les manœuvres, sang froid pour les exécuter, enfin, avant tout, obéissance. La conduite inexplicable des polémarques allait devenir funeste aux citoyens de Lacédémone, lorsque Agis crut apercevoir que le centre des Argiens présentait un moment de fluctuation. Il s’y précipita soudain avec des soldats d’élite, qu’il tenait en réserve, et la rupture de ce centre amena la victoire.

Les Grecs firent en ce temps une expédition célèbre dans la Perse, où régnait Artaxerxès-Mnémon. Cyrus le jeune, qui gouvernait l’Asie Mineure, ayant entrepris de détrôner son frère Artaxerxès, engagea dans son parti treize mille Grecs parmi lesquels se trouvait Xénophon. Cyrus, sans leur faire part de ses desseins, les conduisit vers Babylone, attaqua l’armée d’Artaxerxès, et fut tué dans le combat. C’était un prince magnanime que les talens de l’esprit, les qualités du cœur et les vertus, semblaient rendre plus digne du trône que son frère. Les Grecs, vainqueurs sur tous les points où ils avaient donné, ne déposèrent pas les armes, et revinrent par l’Hellespont. Xénophon compte depuis le départ de Cyrus de la ville d’Éphèse, jusqu’à l’endroit où il s’arrêta, cinq cent trente lieues et quatre-vingt-treize jours de marche, et dans la retraite à partir du champ de bataille de Cunaxa jusqu’à Cotyare, ville située sur les bords du Pont-Euxin, six cent vingt lieues et deux cent cinquante journées de marche. Le temps que l’armée dépensa dans cette campagne renferme un espace de quinze mois.

Lorsque Xénophon suivit Cléarque, qui commandait les Grecs au service de Cyrus, il était volontaire, et n’avait jamais servi que dans un emploi subalterne. Ce fut seulement après que Tisapherne eut fait assassiner les chefs qui s’étaient imprudemment confiés à sa bonne foi, qu’on le choisit dans le nombre de ceux qui les remplacèrent, et soudain il conduisit cette retraite célèbre, qui, sous le point de vue militaire, est le plus beau trophée que jamais nation ait élevé à sa propre gloire. Ainsi, jusque là Xénophon n’avait été chef d’aucune troupe, et ce