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THUCYDIDE, LIV. VIII.

tendus et abordant avec précaution, s’étaient rendus maîtres de la flotte de Chio ; puis, ayant fait une descente et battu ce qui restait, ils avaient pris la ville.

Astyochus, informé de ce contretemps et par les Éressiens et par les navires de Chio qui, à leur retour de Méthymne avec Eubulus, d’abord interceptés, s’étaient ensuite échappés lors de la prise de Mitylène, au nombre de trois seulement (car le quatrième était tombé au pouvoir des Athéniens) ; Astyochus, dis-je, continua sa marche contre Mitylène, souleva Éresse, arma les hoplites de sa flotte et les envoya par terre à Antisse et à Méthymne, sous la conduite d’Étéonicus. Lui-même s’y rendait en longeant les côtes avec ses vaisseaux et les trois de Chio, espérant qu’à son aspect les Méthymnéens se rassureraient et persisteraient dans leur défection. Mais, tout lui ayant été contraire à Lesbos, il revint avec son armée à Chio. Les troupes qu’on avait embarquées et qui devaient aller sur l’Hellespont, regagnèrent leurs villes.

Chio, à la suite de ces événemens, reçut six vaisseaux de la flotte péloponnésienne alliée qui était à Cenchrées. Quant aux Athéniens, ils apaisèrent la révolte de Lesbos, partirent de cette île, prirent Polichna, cette petite ville d’Asie que les Clazoméniens avaient fortifiée, et firent rentrer ceux-ci dans l’île, excepté les chefs de la défection, qui se retirèrent à Daphnonte. Ainsi Clazomènes rentra sous la puissance d’Athènes.

Chap. 24. Ce même été, les Athéniens, qui tenaient Milet en échec avec les vingt bâtimens stationnés à Ladé, firent une descente à Panorme, ville de la Milésie, et tuèrent le Lacédémonien Chalcidée, qui était accouru avec trop peu de monde. Le surlendemain, ils mirent en mer après avoir dressé un trophée, que les Milésiens enlevèrent comme dressé par des gens qui ne s’étaient pas rendus maîtres du territoire. Quant à Léon et Diomédon, avec des vaisseaux athéniens tirés de Lesbos, des Énusses, îles situées vis-à-vis de Chio, de Sidusse, de Ptélée, ils effectuèrent une descente dans l’Érythrée et démolirent les forts qu’ils y possédaient ; puis, prenant Lesbos pour point de départ de leurs vaisseaux, ils faisaient la guerre à ceux de Chio, ayant à bord des hoplites enrôlés forcément.

Ils effectuèrent ensuite une descente à Cardamyle, battirent à Bolisse ceux de Chio venus à leur rencontre, en tuèrent un grand nombre et soulevèrent les places de cette contrée. Ils remportèrent encore une autre victoire à Phanes et une troisième à Leuconium ; puis, ceux de Chio ne paraissant plus, ils ravagèrent impitoyablement un territoire où tout annonçait une prospérité que rien n’avait altérée depuis la guerre des Mèdes jusqu’alors. Car de tous les peuples que je connaisse, ceux de Chio sont les seuls, après les Lacédémoniens, qui aient uni la sagesse au bonheur ; et plus la république allait s’agrandissant, plus ils s’attachaient à consolider ce qui lui donnait de l’éclat. Et nous dirons à ceux qui accuseraient d’imprudence leur défection actuelle, qu’ils avaient tout fait dans l’espoir d’affronter les périls avec de braves et nombreux alliés ; d’ailleurs ils savaient que les Athéniens eux-mêmes, après leur désastre en Sicile, ne pouvaient nier que leurs affaires ne fussent dans la plus déplorable situation. S’ils ont échoué par suite d’événemens inattendus, qui pourtant sont dans la nature des choses humaines, leur erreur était commune à tant d’autres qui croyaient, comme eux, que bientôt la puissance d’Athènes serait détruite de fond en comble. Exclus du commerce de la mer et voyant le pays dévasté, quelques ci-

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