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THUCYDIDE, LIV. VIII.

qu’ils montaient, ou un nombre plus ou moins grand de vaisseaux, et de mettre à la tête de cette expédition Cléarque, fils de Rhamphias, qui partait avec eux. Comme les lettres de Pédarite avaient rendu suspect Astyochus, les onze avaient le pouvoir de lui ôter, s’ils le jugeaient à propos, le commandement de la flotte, et de le donner à Antisthène. Ce fut de Malée que ces vaisseaux prirent le large : ils abordèrent à Mélos, y rencontrèrent dix vaisseaux athéniens, en prirent trois vides, et les brûlèrent. Mais craignant ensuite (ce qui arriva) que les vaisseaux échappés de Mélos n’avertissent à Samos de leur navigation, ils cinglèrent vers la Crète, prenant le plus long à cause des courans, et abordèrent à Caune d’Asie. De là, se voyant en sûreté, ils mandèrent la flotte de Milet pour venir les escorter.

Chap. 40. Dans ces conjonctures, Pédarite et ceux de Chio, sans se rebuter des délais d’Astyochus, le firent prier, par des messages, de venir les secourir avec toute sa flotte, et de ne pas voir avec indifférence la plus importante des républiques alliées d’Ionie privée de l’usage de la mer, et désolée sur terre par les pillages. Elle avait un grand nombre d’esclaves, et même plus que n’en avait aucune autre, Lacédémone exceptée : leur multitude pouvant devenir redoutable, on châtiait leurs fautes avec une excessive rigueur. Aussi, dès que l’armée des Athéniens parut être solidement retranchée, ils se mirent à déserter en foule, et à chercher un refuge au milieu d’eux : comme ils connaissaient bien le pays, ils y firent le plus grand mal. Les habitans de Chio avaient l’espérance et le pouvoir de s’opposer aux assiégeans, qui travaillaient encore au mur d’enceinte de Delphinium : ils réclamaient donc fortement l’assistance d’Astyochus, observant que la ville se trouvait enfermée par une circonvallation trop étendue pour que les armées de mer et de terre combinées ne laissassent pas quelque issue. Quoique les vues d’Astyochus eussent été d’abord différentes, et malgré toutes ses menaces antérieures, quand il vit les alliés eux-mêmes remplis de zèle pour leur défense, il fit ses dispositions pour les secourir.

Chap. 41. Cependant il reçut de Caune l’avis que les Lacédémoniens qu’on lui donnait pour conseil y étaient arrivés avec les vingt-sept vaisseaux. Pensant que tout devait céder devant l’obligation d’escorter une flotte de cette importance, lui mieux assurer l’empire de la mer, et de mettre au-dessus du hasard l’arrivée de ceux qui venaient éclairer sa conduite, il renonça à son voyage de Chio et fit voile pour Caune. Tout en côtoyant, il descendit à Cos la Méropide, et rasa la ville, non murée et ruinée par un tremblement de terre, le plus grand dont nous ayons conservé le souvenir. Les hommes s’étaient réfugiés sur les montagnes. Il fit des courses dans la campagne et enleva tout, excepté les personnes de condition libre. De Cos il arriva de nuit à Cnide, et fut obligé, sur l’avis des habitans, de ne pas mettre à terre les équipages, et de voguer droit aux vingt bâtimens d’Athènes : l’un des généraux de Samos qui les commandait, Charminus, épiait ces mêmes vaisseaux du Péloponnèse, au-devant desquels allait Astyochus. La nouvelle de leur expédition était venue de Milet à Samos, et Charminus croisait devant les côtes de Chalcé, de l’île de Rhodes, et de la Lycie ; car déjà il avait appris qu’elle était à Caune.

Chap. 42. Astyochus, avant qu’on eût pu entendre parler de lui, cingla donc aussitôt vers Syme, pour tâcher d’intercepter la flotte ennemie en haute mer.