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XÉNOPHON, LIV. IV.

On perdit alors Cléonyme Lacédémonien, brave soldat ; il eut le flanc percé d’une flèche qui traversa et son bouclier et son habit de peau. Basias d’Arcadie eut aussi la tête percée de part en part. Quand on fut arrivé au lieu où l’on voulait camper, Xénophon alla sur-le-champ trouver Chirisophe et lui reprocha de ne l’avoir pas attendu, et de l’avoir mis dans le cas de fuir en combattant. « Il vient de périr deux braves Grecs, deux excellens soldats, nous n’avons pu ni les enterrer, ni enlever leurs corps. » Chirisophe répond à ce discours : « Regardez ces montagnes, elles sont partout inaccessibles. Nous n’avons, pour sortir d’ici, que ce chemin escarpé que vous voyez, et vous pouvez y remarquer une multitude de Barbares qui l’ont occupé avant nous, et gardent le seul débouché que nous ayons : voilà pourquoi je me suis hâté et ne vous ai point attendu. Je voulais les prévenir, s’il était possible, et les empêcher de s’emparer avant nous des hauteurs. Les guides que nous avons assurent qu’il n’y a point d’autre chemin. — J’ai, dit Xénophon, deux prisonniers que je viens de faire, car dans l’embarras où me jetaient les Barbares, je leur ai tendu une embuscade, ce qui nous a donné le loisir de respirer un moment. Nous avons tué quelques ennemis. Je voulais aussi en prendre pour avoir des gens qui connussent le pays et qui nous servissent de guides. »

On fit amener sur-le-champ ces deux hommes, et les ayant séparés, on tâcha de leur faire dire s’ils connaissaient un autre chemin que celui qu’on voyait. Le premier, quelque effroi qu’on lui inspirât, dit qu’il n’en savait point d’autre ; comme on ne put en rien tirer qui fût utile à l’armée, on l’égorgea aux yeux du second. Celui-ci répondit que son camarade n’avait refusé d’indiquer une autre route, quoiqu’il en eût une, que parce qu’il avait vers ce canton une fille mariée. Il promit de conduire les Grecs par un chemin praticable, même aux chevaux d’équipages. On lui demanda s’il ne s’y trouvait point de pas difficile. Il répondit qu’il y avait une hauteur qui rendrait le passage de l’armée impossible si l’on ne s’en emparait avant les ennemis. On fut d’avis d’assembler aussitôt les chefs de lochos, les armés à la légère, et quelques hoplites, de leur exposer de quoi il s’agissait, de leur demander s’il y en avait qui voulussent se distinguer et y marcher comme volontaires. Il se présenta d’abord parmi les hoplites deux Arcadiens, Aristonyme de Méthydrie, et Agasias de Stymphale. Une noble contestation s’éleva entre ce dernier et Callimaque de Parrhasie, Arcadien aussi. Agasias dit qu’il voulait être de ce coup de main, et proposa d’y mener des volontaires qu’il prendrait dans toute l’armée. « Car je suis sûr, dit-il, que beaucoup de jeunes soldats me suivront si je les y conduis. » On demande alors s’il est quelque homme des troupes légères ou quelque taxiarque qui veuille être du détachement. Aristéas de Chio s’y engage. Il rendit, dans plusieurs occasions de ce genre, des services importans à l’armée.

Le jour tombait. On fait manger les volontaires, puis on leur commande de partir. On leur livre le guide lié. On convient avec eux que s’ils s’emparent du sommet de la montagne, ils s’y maintiendront toute la nuit ; qu’à la pointe du jour, ils feront pour signal sonner leur trompette ; qu’ensuite ils descendront de ce poste élevé sur les ennemis qui gardent le grand chemin, et que l’armée avancera à leur secours le plus légèrement qu’elle pourra. Cet arrangement pris, les volontaires se mettent en