Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 52 —

mée au moyen de la phalange doublée, et marchant par son flanc ; la cavalerie couvrait les ailes ; puis derrière venait le bagage qui n’était pas considérable. Darius dirigea ses troupes vers la Troade, et campa auprès de Lélie, dans les plaines arrosées par le Granique, afin d’en disputer le passage aux Grecs.

Les dispositions que prit Memnon pour défendre le gué qu’Alexandre avait fait reconnaître, sont dignes d’un chef qui jouissait d’une aussi grande réputation (334 av. not. ère).

Comme il y avait une hauteur qui s’élevait le long du bord de la rivière, en laissant un intervalle de terrain assez large pour y placer une ligne de troupes, Memnon y posta sa cavalerie, forte de vingt mille chevaux, et la fit couronner par son infanterie plus nombreuse, placée en seconde ligne, de manière à ce que les rangs s’élevaient les uns sur les autres comme en amphithéâtre. Cette éminence démasquait le gué en le dominant de fort près, de sorte que ceux d’en haut pouvaient tirer par-dessus la première ligne. La rivière était profondément encaissée, ses bords se présentaient escarpés et glissans.

Quelque grand que fût le courage des capitaines d’Alexandre, ils ne tardèrent pas à reconnaître le désavantage de leur position, et Parménion entre autres lui conseilla de camper dans cet endroit et d’attendre le lendemain, pour laisser aux troupes le temps de se reposer.

Il redoutait l’effet de la cavalerie persane, qui pouvait les empêcher de se former en bataille, et leur faire supporter un échec capable de compromettre le succès de cette noble entreprise : la réputation des armes dépendant presque toujours des commencemens. Mais Alexandre répondit que par cela même que cette action paraissait hasardeuse, il la jugeait nécessaire, afin d’inspirer la terreur à ses ennemis. Il s’avança donc jusqu’à une certaine distance du fleuve, où il fit déployer sa colonne à droite et à gauche, pour former la phalange sur une ligne de six sections avec la profondeur ordinaire de seize hommes. Dans cette position, la cavalerie persane qui bordait le rivage opposé, présentait un front égal à celui de l’armée entière d’Alexandre.

Le lit du fleuve était inégal et les gués entrecoupés par des profondeurs ; les Macédoniens ne pouvaient le traverser que sur un petit front, excepté vers la droite où le gué paraissait plus spacieux, et où Alexandre se proposait d’y faire les plus grands efforts. Il y plaça sur un même front, avec sa phalange, le corps des Hypaspistes, comprenant les Argyraspides ; et en forma une septième et une huitième section.

Il leur joignit l’escadron de Socrate, qui ce jour-là avait le poste d’honneur pour la première attaque, avec un corps de cavalerie légère, armé de piques, et un autre corps de Pæoniens. Il mit à la pointe de cette aile droite les huit escadrons des Hétaires. Deux petits corps d’infanterie légère, composés des archers et des Agriens, furent rangés derrière eux pour les soutenir. La cavalerie thessalienne, celle des alliés, et la thracienne, se postèrent à l’aile gauche.

Les deux armées demeurèrent quelque temps à se regarder, comme si elles eussent redouté l’événement. Enfin Alexandre fit donner le signal, et toutes tes trompettes de l’armée sonnèrent. Aussitôt Ptolémée sortit de la ligne à la tête de l’escadron de Socrate[1] et entra dans le fleuve suivi de ces deux corps de cavalerie légère qui étaient à son côté

  1. Voyez l’ATLAS.