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sanglante représailles, par la destruction de Platée, de Thespies, d’Orchomène, et par mille autres actes de tyrannie ; aussi, quoique Alexandre fût peut-être satisfait d’effrayer et de contenir la Grèce par ce terrible exemple, il allégua la nécessité où il se trouvait de donner cette satisfaction aux peuples ses alliés.

La nouvelle d’un pareil désastre porta la consternation dans Athènes. Sous prétexte de le féliciter de son heureux retour du pays d’Illyrie et de celui des Triballiens, elle envoya des députés vers Alexandre. Ce prince les accueillit favorablement ; mais il demanda les orateurs, au nombre de huit, qu’il regardait comme la cause des troubles. Les Athéniens envoyèrent une seconde députation pour fléchir Alexandre, et il se contenta d’en faire exiler un seul.

Ce prince indiqua ensuite une assemblée à Corinthe, y traita les députés avec douceur, et demanda le commandement en chef contre les Perses, comme on l’avait donné à son père. Il ne lui fut pas difficile de rallumer dans l’esprit des Grecs la haine ancienne contre leurs ennemis perpétuels et irréconciliables, haine à laquelle les dissensions domestiques pouvaient bien donner trève, mais qu’elles n’avaient jamais éteinte.

De retour en Macédoine, Alexandre confia le gouvernement de ses états à Antipater, général aussi habile que fidèle, et lui laissa douze mille hommes d’infanterie et quinze cents de cavalerie. Il partit pour l’Asie au commencement du printemps (335 av. not. ère) ; mais ses moyens n’étaient pas proportionnés à la grandeur de l’entreprise.

Son armée se composait de douze mille Macédoniens, de sept mille alliés, de cinq mille mercenaires, tous gens de pied, aux ordres de Parménion ; de cinq mille Odryses, Triballes et Illyriens ; de mille archers agriens, de quinze cents cavaliers macédoniens, sous le commandement de Philotas, fils de Parménion ; de quinze cents hommes de cavalerie thessalienne, que Calas, fils d’Harpalus, commandait ; de six cents cavaliers grecs, conduits par Erigyus ; enfin de neuf cents avant-coureurs de Thrace et de Pæonie, qui avaient pour chef Cassandre : en tout trente mille hommes d’infanterie, et quatre mille cinq cents de cavalerie. En vingt jours Alexandre arriva de Macédoine à Sestos. Là, il s’embarqua sur une flotte de cent soixante trirèmes et de plusieurs bâtimens de transport, et fit traverser l’Hellespont à son armée. Alexandre remplissait les fonctions de pilote, et dirigeait lui-même son vaisseau.

Il a toujours paru étrange que les Perses n’aient fait aucune démarche pour arrêter cette armée, et s’opposer à son débarquement, ce qui était d’autant plus facile, qu’ils possédaient une flotte considérable. On n’a pu savoir au juste si cette faute était le résultat de l’ignorance ou du mépris.

Memnon de Rhodes, le plus grand capitaine de l’Asie, avait conseillé aux généraux qui lui étaient associés, de ne pas risquer un combat, mais de ruiner le plat pays, de détruire tous les vivres et les fourrages de Phrygie et de Mylie, afin d’affamer l’ennemi, et le forcer à retourner sur ses pas. Il proposait aussi d’aller porter la guerre dans la Macédoine. Le conseil qu’il donnait était excellent, par rapport à un ennemi vif et impétueux, qui était sans villes, sans magasins, sans retraite ; qui manœuvrait sur un pays inconnu ; que les retardemens seuls pouvaient affaiblir, et qui n’avait d’autres ressources et d’autres espérances, que dans le prompt succès d’une bataille.

Alexandre s’avançait en colonne, for-

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