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XÉNOPHON, LIV. VI.

terie grecque s’avançait, marchant au pas redoublé ; le son de la trompette se fit entendre ; les soldats chantèrent le péan, puis poussèrent les cris usités et baissèrent en même temps leurs piques. Les ennemis effrayés ne tinrent plus et prirent la fuite. Timasion les poursuivit avec la cavalerie grecque, et on en tua tout ce que put passer au fil de l’épée un escadron aussi peu nombreux. L’aile gauche de l’ennemi, qui avait été suivie par cette cavalerie, fut aussitôt dispersée ; son aile droite n’étant pas aussi vivement poussée, fit halte sur une colline, et se forma. Les voyant arrêtés, les Grecs jugèrent que rien n’était plus facile et moins périlleux que de les charger sur-le-champ. L’armée chanta donc encore une fois le péan, et marcha aussitôt ; l’ennemi n’attendit point les Grecs, et les armés à la légère poursuivirent cette aile droite jusqu’à ce qu’elle fût aussi dispersée que l’autre. Les ennemis eurent cependant peu d’hommes tués ; car leur cavalerie, qui était nombreuse, inspirait de la terreur aux Grecs. Ceux-ci voyant cette cavalerie de Pharnabaze, qui était encore formée, et celle des Bithyniens qui s’y ralliait, contempler du haut d’une colline ce qui se passait, quelque las qu’ils fussent, jugèrent qu’il fallait cependant marcher comme ils pourraient à ces troupes, et ne leur pas laisser prendre du repos et de l’audace ; ils s’y avancèrent donc rangés en bataille. Alors les ennemis se précipitèrent à toutes jambes du haut en bas du revers de la colline, comme s’ils eussent été poursuivis par d’autre cavalerie ; ils entrèrent dans un vallon marécageux, inconnu aux Grecs ; mais ceux-ci ne les poursuivaient point, et étaient déjà revenus sur leurs pas ; car il était tard. De retour au lieu de la première mêlée, ils érigèrent un trophée, puis reprirent le chemin de leur camp, à-peu-près vers l’heure où le soleil se couchait : ils en étaient éloignés d’environ soixante stades.

Les ennemis s’occupèrent ensuite de la conservation de leur pays ; ils transportèrent les habitans et leurs effets le plus loin qu’ils purent de Calpé ; les Grecs y attendaient Cléandre, comme devant arriver au premier moment, suivi de galères et de bâtimens de transport. Ils sortaient chaque jour avec des bêtes de somme et des esclaves et rapportaient, sans avoir couru de dangers, du froment, de l’orge, du vin, des légumes, du panis, des figues ; car on trouvait de tout dans le pays, si ce n’est de l’huile d’olive. Toutes les fois que l’armée restait au camp pour se reposer, il était permis aux soldats d’aller en particulier à la maraude, et chacun profitait de ce qui lui tombait sous la main ; mais on arrêta que lorsque l’armée entière marcherait, ce que prendraient de leur côté ceux qui s’en écarteraient, serait confisqué au profit commun de tous les Grecs. Déjà une grande abondance régnait au camp ; car de tous côtés il arrivait, des villes grecques, des denrées qu’on pouvait acheter, et les bâtimens qui longeaient la côte venaient avec plaisir jeter l’ancre près de Calpé, sur le bruit qui s’était répandu qu’on y bâtissait une ville, et qu’il y avait un port. Déjà même ceux des ennemis qui habitaient dans le voisinage, entendant dire que Xénophon était le fondateur de cette colonie, lui envoyaient des députés et lui faisaient demander ce qu’il fallait qu’ils fissent pour être en paix avec les Grecs. Ce général montra les députés aux soldats. Cléandre arriva sur ces entrefaites : il amenait deux galères, mais nul bâtiment de transport ne le suivait ; il se trouva qu’au moment où il débarqua, l’armée était sortie du camp ; quelques soldats avaient été séparément à la