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XÉNOPHON.

chemens se répandent dans la campagne, avec ordre d’enlever et d’amener tout ce qui s’offrirait à eux, il retient auprès de lui l’élite de ses gens, et s’arrête en présence des garnisons mèdes, pour empêcher toute sortie sur ses coureurs.

Déjà ce plan s’exécute, lorsque Astyage apprend que l’ennemi est entré sur ses terres. Aussitôt il vole au secours de la frontière, avec ce qu’il avait de troupes, accompagné de son fils, qui rassemble à la hâte quelques cavaliers, en ordonnant aux autres de le joindre en diligence. À la vue des troupes assyriennes qui se présentaient rangées en bataille, et de leur cavalerie dans l’inaction, les Mèdes s’arrêtèrent aussi. Cependant Cyrus, témoin de l’ardeur générale à courir sur l’ennemi, ne put contenir la sienne. Son aïeul lui avait donné une très belle armure faite exprès pour lui, et qui allait bien à sa taille : impatient d’en faire usage, il désespérait d’en voir arriver le moment. Il s’en revêt, monte à cheval, et joint le roi, qui, surpris et ne sachant qui l’avait engagé à venir, lui permet cependant de demeurer près de lui. « Seigneur, lui dit Cyrus, apercevant la cavalerie qui faisait face aux Mèdes, ces hommes immobiles sur leurs chevaux, sont‑ce des ennemis ? — Assurément. — Et ceux qui courent dans la plaine ? — Encore. — Par Jupiter ! quoi, des gens qui semblent si lâches et si mal montés, osent ainsi nous piller ! Il faut, avec quelques‑uns des nôtres, leur donner la chasse. — Eh, mon fils, ne vois‑tu pas ce gros escadron rangé en bataille ? Si nous faisons un mouvement pour charger les pillards, il tombera sur nous, et nous coupera ; nous ne sommes point encore assez forts. — Mais si tu restes à ton poste, avec les troupes fraîches qui vont arriver, ceux‑ci craindront, ils ne remueront pas, et les pillards voyant des détachemens à leur poursuite, lâcheront prise. »

Astyage trouva cette idée heureuse. Pénétré d’admiration pour sa présence d’esprit et sa prudence, il ordonne sur‑le‑champ à Cyaxare de marcher contre les coureurs, avec un escadron. « S’ils font un mouvement vers toi, dit‑il, j’en ferai un autre qui les forcera de porter sur moi leur attention. » Cyaxare prit l’élite de la cavalerie, et se mit en marche. Cyrus, qui n’attendait que ce signal, part en même temps ; bientôt il est à la tête de la troupe : Cyaxare et ses cavaliers le suivaient avec ardeur. À leur approche, les pillards abandonnèrent le butin, et fuirent ; mais ils furent coupés par les soldats de Cyrus, qui, à son exemple, faisaient main-basse sur ceux qu’ils atteignaient : ceux qui s’étaient échappés en fuyant d’un autre côté, furent poursuivis sans relâche ; on fit sur eux des prisonniers. Pour Cyrus, tel qu’un chien courageux, qui ne connaissant point le danger, attaque inconsidérément un sanglier, il ne songeait qu’à frapper l’ennemi, sans rien voir au‑delà.

Les Assyriens voyant le danger des leurs, commencèrent à s’ébranler, espérant que la poursuite cesserait, dès qu’on les verrait fondre. Mais, bien loin de ralentir son ardeur, Cyrus poussait toujours plus avant. Transporté de joie, il appelait à grands cris Cyaxare, il pressait vivement l’ennemi ; la déroute était générale. Cyaxare le suivait de près, sans doute dans la crainte des reproches de son père : les autres suivaient aussi. Tous, en cette occasion, se montraient acharnés à la poursuite, même ceux qui eussent manqué de bravoure contre des adversaires en présence.

Astyage, remarquant que ses cavaliers poursuivaient avec témérité, et que les