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XÉNOPHON.

envahir, ont été dépouillés même de ce qui leur appartenait. D’autres, après avoir amassé de cet or, objet de tant de vœux, sont morts victimes de leur cupidité. Tant il est vrai que la prudence humaine ne sait pas mieux choisir que le hasard ! Mais les Dieux, ô mon fils, qui tiennent à tous les temps, connaissent également le passé, le présent, et ce que doit amener chacun de ces termes ; ils avertissent les mortels qui les consultent et qu’ils regardent d’un œil favorable, de ce qu’il faut faire ou éviter. Qu’on ne s’étonne pas si tous les hommes n’obtiennent pas leurs faveurs : les Dieux ne sont pas obligés de les accorder à ceux qu’il ne leur plaît pas de protéger. »




LIVRE DEUXIÈME.

Chapitre premier. En discourant ainsi, ils arrivent aux frontières de la Perse, où ils aperçoivent un aigle d’heureux augure qui semblait les guider. Après avoir prié les Divinités et les héros tutélaires de la Perse de recevoir favorablement leurs adieux, ils sortirent des frontières. Dès qu’ils les eurent franchies, ils supplièrent les Dieux protecteurs de la Médie de les accueillir avec bienveillance ; puis ils s’embrassèrent selon l’usage. Cambyse reprit le chemin de la Perse ; Cyrus s’avança dans la Médie, où était Cyaxare.

Dès que Cyrus l’eut joint, aussitôt après les embrassemens accoutumés, Cyaxare lui demanda combien il lui amenait de combattans. Trente mille, lui répondit Cyrus, qui ont déjà servis sous vos drapeaux et à votre solde ; il vous arrive de plus des homotimes qui ne sont jamais sortis de la Perse. — Combien sont-ils ? — Si vous les comptez, vous ne serez pas satisfait ; mais songez que cette poignée d’hommes qu’on appelle homotimes, l’emporte facilement sur le reste de la nation, toute nombreuse qu’elle est. Mais avez-vous besoin d’eux ? ne vous alarmez-vous pas en vain, sans que les ennemis approchent ? — Par Jupiter ! ils viennent, et même en grand nombre. — Comment le savez-vous ? — Par le récit unanime, à quelques circonstances près, de beaucoup de Mèdes arrivant d’Assyrie. — Il faut donc les combattre ? — Nous y sommes contraints. — Parlez-moi donc, et de nos troupes, et de celles qui marchent contre nous, puisque vous les connaissez. Instruits de l’état des unes et des autres, nous délibérerons sur les moyens de combattre avec le plus grand avantage. — Écoutez : Le Lydien Crésus est, dit-on, accompagné de dix mille cavaliers, et de plus de quarante mille, soit archers, soit peltastes. Artamas, prince de la grande Phrygie, amène huit mille cavaliers, et environ quarante mille tant lanciers que peltastes. Aribée, roi de Cappadoce, a six mille cavaliers environ, et non moins de trente mille archers et peltastes. L’Arabe Maragdas conduit à-peu-près dix mille cavaliers, cent chars, et quantité de frondeurs. J’ignore encore s’ils sont suivis des Grecs asiatiques : mais ceux qui occupent cette partie de la Phrygie située sur les bords de l’Hellespont, doivent, dit-on, se joindre à Gabée, qui peut avoir, dans les plaines du Caystre, six mille chevaux et dix mille peltastes. Pour les Cariens, les Ciliciens, les Paphlagoniens, on dit qu’ils n’entreront pas dans la ligue, quoiqu’on les ait sollicités. Quant au monarque assyrien qui règne sur Babylone et sur le reste de l’Assyrie, il amènera, je pense, vingt mille cavaliers au moins, deux cents chars au plus, mais probablement un grand nombre de gens de pied ; c’est la coutume quand il attaque nos frontières. — Vous dites donc que les ennemis ont soixante mille hom-