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LA CYROPÉDIE, LIV. II.

mes de cavalerie, et plus de deux cent mille peltastes ou archers : quelles forces prétendez-vous leur opposer ? — La cavalerie mède est de plus de dix mille hommes : pour les peltastes et les archers, notre pays en fournira au plus soixante mille. Nous aurons des Arméniens nos voisins, quatre mille cavaliers et vingt mille hommes de pied. — Selon vous, repartit Cyrus, notre cavalerie ne fait pas le tiers de la cavalerie ennemie, et notre infanterie n’est à-peu-près que la moitié de la leur. — Quoi, dit Cyaxare, est-ce qu’à présent vous regardez comme peu nombreux les Perses que vous amenez ? — Nous examinerons bientôt, si nous avons encore besoin d’hommes ou non : maintenant apprenez-moi quelle est la façon de combattre de chacune de ces nations. — Pour toutes à-peu-près la même ; car nos gens et les leurs se servent de l’arc et du javelot. — Avec de telles armes il faut nécessairement combattre de loin. — Cela est vrai. — La victoire sera donc où il y aura plus de combattans ; car le grand nombre blessera et détruira plutôt qu’il ne sera blessé et détruit par le petit nombre. — Dans ce cas, le meilleur expédient est d’envoyer chez les Perses, leur représenter que si la Médie éprouve un échec, ils auront tout à craindre, et leur demander un renfort. — Sachez que quand tous les Perses viendraient, nous ne surpasserions pas encore les ennemis en nombre. — Voyez-vous un meilleur moyen ? — Pour moi, si j’étais à votre place, je fabriquerais pour tous les Perses qui viennent après moi, des armes pareilles à celles que portent les homotimes. Ces armes sont une cuirasse pour couvrir la poitrine, un bouclier d’osier pour la main gauche, le cimeterre ou la hache pour la droite. Par ce moyen nos gens iront en avant avec une parfaite sécurité, et l’ennemi préférera la fuite à la résistance. Nous combattrons, nous, tout ce qui tiendra ferme : nous vous chargeons, vous et votre cavalerie, de poursuivre si bien les fuyards, qu’ils ne puissent ni s’arrêter dans leur fuite, ni revenir à la charge. »

Ainsi parla Cyrus. Cyaxare jugea qu’il avait raison, ne songea plus à mander de nouvelles troupes, et fit travailler aux armes dont on vient de parler. Elles étaient presque achevées, quand les homotimes arrivèrent avec l’armée perse. Aussitôt Cyrus les assemble, et leur tient ce discours :

« Mes amis, en vous voyant ainsi armés et impatiens de vous mesurer avec l’ennemi, en considérant que les Perses qui vous suivent n’ont des armes, que pour combattre de loin, j’ai craint que si, en petit nombre, vous rencontriez, sans être soutenus, un corps nombreux, il ne vous arrivât quelque malheur. Comme les Perses que vous amenez sont robustes, ils auront des armes semblables aux vôtres : c’est à vous d’exciter leur courage. Un chef doit non seulement se montrer brave, mais encore s’efforcer d’inspirer sa bravoure à ceux qu’il commande. »

Les homotimes se réjouirent tous, en songeant qu’un plus grand nombre de guerriers, les seconderait. L’un d’entre eux prenant la parole : « On s’étonnera peut-être que je conseille à Cyrus de parler lui-même aux Perses qui viendront prendre leurs armes pour combattre avec nous ; mais je suis persuadé que les discours de l’homme qui a le pouvoir de récompenser et de punir, agissent efficacement sur les esprits. Fait-il un présent, ceux qui le reçoivent l’estiment plus, quoique inférieur à celui que leur offrent des égaux. Ces nouveaux compagnons d’armes goûteront plus les exhortations de Cyrus que les nôtres. Élevés