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XÉNOPHON.

que notre maître embrassera, après un mûr examen, le parti de l’offensé. — Apprenez de moi, répondit Cyaxare, que nous ne faisons aucun tort au roi d’Assyrie ; allez vers lui et sachez quelles sont ses prétentions. Seigneur, dit Cyrus, me sera-t-il permis d’ajouter un mot ? — Parlez. — Déclarez au roi des Indes, si toutefois Cyaxare l’approuve, que nous le prendrons lui-même pour arbitre, dans le cas où le roi d’Assyrie se plaindrait de nous. » Après cette réponse, les ambassadeurs se retirèrent.

Quand ils furent sortis, Cyrus tint ce discours à Cyaxare : « En quittant la Perse pour me rendre près de vous, je n’emportai pas avec moi beaucoup d’argent ; il m’en reste fort peu : ce que j’avais, je l’ai dépensé pour mes soldats. Peut-être cela vous surprend-il, puisque vous fournissez à leur subsistance : mais vous saurez qu’il m’a servi uniquement à distinguer, à gratifier ceux qui le méritaient. Je pense que dans toute entreprise on aime mieux s’assurer du zèle de ceux qu’on emploie, en les encourageant, en leur faisant du bien, qu’en les chagrinant, ou en les traitant durement. C’est, ce me semble, particulièrement à la guerre qu’on doit gagner les cœurs par la douceur et la bienfaisance, si on veut avoir de braves compagnons d’armes. Il faut que des soldats, pour nous seconder avec zèle, soient nos amis et non pas nos ennemis ; qu’ils ne soient point jaloux des succès de leur général, et qu’ils ne l’abandonnent point dans ses malheurs. D’après ces considérations, de nouveaux fonds me semblent nécessaires. Surchargé comme vous l’êtes d’une infinité de dépenses, il serait déraisonnable de n’avoir recours qu’à vous seul. Avisons donc, vous et moi, à ce que nous ferons pour que les finances ne vous manquent point ; car tant que votre trésor sera bien garni, je suis convaincu que je pourrai y puiser au besoin, surtout si mes dépenses doivent tourner à votre profit. Dernièrement, si ma mémoire est fidèle, vous disiez que le roi d’Arménie, sur la nouvelle que nos ennemis s’approchaient, vous traitait avec peu d’égards ; qu’il ne vous envoyait pas de troupes, qu’il refusait de payer le tribut accoutumé. — Cela est vrai, dit Cyaxare ; aussi, ne sais-je lequel serait le plus avantageux, ou de lui déclarer la guerre, et de le soumettre par la force, ou de dissimuler dans ce moment, pour ne pas donner à mes ennemis un nouvel allié. — Les lieux qu’il habite sont-ils ouverts, ou fortifiés ? — Pas très fortifiés ; j’y ai toujours eu l’œil : mais il a des montagnes où il peut se retirer sans qu’il soit possible ni de le forcer ni de s’emparer des effets qu’il y aurait transportés ; à moins de le tenir long-temps bloqué, comme fit autrefois mon père. — Si vous voulez, reprit Cyrus, me donner un corps de cavalerie suffisant, j’espère, avec l’aide des Dieux, le réduire à vous envoyer des troupes, à vous payer le tribut, je dis plus, à le mettre dans nos intérêts plus qu’il n’y est à présent. — Je me flatte qu’en effet, tu y réussiras plus aisément que moi. J’ai ouï dire que quelques-uns de ses fils ont chassé quelquefois avec toi : probablement ils viendront te trouver ; et dès que tu te seras assuré d’eux, tu amèneras les choses au point où nous les désirons. — Vous pensez donc qu’il importe que notre dessein reste bien secret ? — Oui, parce qu’ils donneront plus tôt dans le piége et qu’on les surprendra lorsqu’ils s’y attendront le moins. — Écoutez donc, et voyez si je raisonne juste. Il m’est souvent arrivé de mener tous mes Perses à la chasse vers les frontières qui séparent vos états d’avec l’Arménie, et même de me faire suivre de quelques escadrons de votre cavalerie. — Tu peux faire encore la même chose, sans porter ombrage à