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XÉNOPHON.

taires. Il invoqua pareillement les héros habitans et tutélaires de la Médie. Dès qu’il vit les sacrifices favorables, et l’armée déjà rassemblée sur la frontière, il partit sous les plus heureux auspices. À son arrivée dans le pays ennemi, il fit des libations à la Terre, pour se la rendre propice : il apaisa par des victimes les Dieux et les héros de l’Assyrie ; puis il sacrifia de nouveau à Jupiter, protecteur de sa patrie, sans oublier aucun des autres Dieux que sa mémoire lui rappelait.

Toutes les cérémonies achevées, l’infanterie se mit en marche, et campa à une petite distance de la frontière, tandis que la cavalerie courait la campagne, d’où elle revint bientôt chargée d’un immense butin. Peu après, l’armée décampa : elle était dans l’abondance, et ne cessait de ravager le pays, en attendant l’arrivée des ennemis. Lorsqu’on eut appris qu’ils n’étaient plus qu’à dix journées de chemin, Cyrus dit à Cyaxare : « Il est temps, seigneur, d’aller à leur rencontre, et de ne montrer de timidité ni à nos troupes, ni à eux ; qu’il soit évident, au contraire, que nous ne combattons pas malgré nous. » Cyaxare approuva ce conseil : l’armée, depuis ce moment, ne marcha plus qu’en bataille, faisant chaque jour autant de chemin qu’il plaisait aux deux princes. Elle prenait son repas du soir avant le coucher du soleil, et n’avait de feu durant la nuit qu’en avant du camp, afin que si quelqu’un s’approchait, à la faveur de l’obscurité, on pût le voir sans en être vu. Quelquefois, pour donner le change aux ennemis, on allumait les feux sur les derrières du camp ; en sorte que bien souvent, leurs espions, trompés par ce stratagème, tombaient dans les gardes avancées, croyant en être fort loin.

Lorsque les deux armées furent proche l’une de l’autre, les Assyriens et leurs alliés creusèrent un fossé autour de leur camp ; ce que pratiquent encore les rois barbares lorsqu’ils campent. Comme ils ont beaucoup de bras, ce travail s’exécute promptement. Ils savent que durant la nuit la cavalerie, surtout la leur, est en désordre et sans forces. En effet, les chevaux étant attachés au piquet avec des entraves aux pieds, il est difficile que le cavalier, en cas d’alarme, les détache, qu’il les bride, qu’il les équipe, qu’il se couvre de son armure ; et quand il surmonterait ces obstacles, il lui serait impossible de traverser le camp à cheval : aussi, les Assyriens et les autres barbares ne manquent-ils jamais de se retrancher. Ils pensent en même temps, qu’à l’abri de leurs fossés, ils peuvent, quand ils le veulent éviter le combat.

Les deux armées approchaient donc l’une de l’autre. Lorsqu’il n’y eut plus entre elles que la distance d’environ une parasange, les Assyriens placèrent leur camp dans un lieu fortifié de retranchemens, comme je viens de le dire, mais découvert ; Cyrus, au contraire, choisit pour le sien, l’endroit le moins exposé à la vue, derrière quelques villages et quelques collines. Il savait qu’à la guerre les mouvemens inopinés sont plus propres à jeter l’épouvante. Cette nuit, on prit quelque repos, après avoir établi de part et d’autre des gardes avancées. Le lendemain, le roi d’Assyrie, Crésus et les chefs des alliés, laissèrent leurs troupes tranquilles dans les retranchemens ; mais Cyrus et Cyaxare rangèrent les leurs en bataille, pour se trouver en état de combattre, si les ennemis avançaient. Quand on fut certain qu’ils ne sortiraient pas de leur camp, et qu’il ne se passerait rien de tout le jour, Cyaxare fit appeler Cyrus et quelques-uns des principaux officiers : « Mes amis,