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XÉNOPHON.

tendu les propositions des envoyés, que, transportés de joie, ils montèrent à cheval, et arrivèrent la main droite levée, comme cela était convenu. Les Mèdes et les Perses leur répondirent par le même signe et par l’accueil le plus amical. « Hyrcaniens, dit ensuite Cyrus, désormais nous avons en vous une entière confiance : que la vôtre soit réciproque. Commencez par nous apprendre à quelle distance nous sommes du lieu qu’occupent les chefs des ennemis avec le gros de leurs troupes. » Ils répondirent que la distance n’était guère que d’une parasange.

« Perses et Mèdes, continua le prince, et vous à qui je parle comme à des alliés qui partageront notre fortune, Hyrcaniens, ne perdez pas de vue que nous sommes dans une conjoncture où l’indolence attirerait sur nous tous les malheurs ; car les ennemis savent ce qui nous amène. En allant vigoureusement à eux, en les attaquant avec intrépidité, vous les verrez, comme des esclaves fugitifs que l’on retrouve, les uns se jeter à vos genoux, les autres s’enfuir, d’autres ne savoir quel parti prendre. C’est quand ils seront vaincus qu’ils nous apercevront ; ils seront assaillis sans se douter que nous approchons, sans pouvoir ni se ranger en bataille, ni se préparer au combat. Si donc nous voulons souper gaîment, dormir tranquilles et vivre désormais heureux, ne leur donnons le loisir ni de délibérer, ni de faire d’utiles préparatifs, ni même de reconnaître qu’ils ont affaire à des hommes : qu’ils ne voient que des boucliers, que des épées, que des haches, que des plaies. Vous, Hyrcaniens, vous marcherez en avant pour couvrir notre front, afin que la vue de vos armes entretienne le plus long-temps possible l’erreur des ennemis. Lorsque je serai près de leur camp, qu’on laisse auprès de moi un escadron de chaque nation, dont je puisse me servir, suivant les circonstances, sans quitter mon poste. Vous chefs et vous vieux soldats, si vous êtes prudens, marchez serrés, de peur qu’en donnant dans un épais bataillon vous ne soyez repoussés. Laissez les jeunes gens poursuivre ; qu’ils fassent main-basse : le plus sûr pour nous est d’épargner le moins possible d’ennemis. Si nous remportons une victoire complète, abstenons-nous du pillage ; trop souvent il a ruiné les vainqueurs : le soldat qui s’y abandonne n’est plus qu’un goujat qu’il est dès-lors permis de traiter en esclave. Soyez convaincus qu’il n’y a rien de plus lucratif que la victoire ; celui qu’elle couronne tient entre ses mains les hommes, les femmes, les richesses, de vastes pays : n’ayons d’autre objet que de la conserver ; le pillard même, avec son butin, retombera en notre puissance. Souvenez-vous, en poursuivant les fuyards, de rentrer de jour au camp ; car, la nuit venue, on ne recevra plus personne. » Après ce discours, il renvoya les officiers chacun à leur poste, et ordonna qu’en s’y rendant ils répétassent les mêmes choses aux dizainiers, qui étant au premier rang, se trouvaient à portée d’entendre : quant aux dizainiers, ils communiqueraient les mêmes ordres à leurs dizaines. L’armée continua sa marche : les Hyrcaniens faisaient l’avant-garde ; Cyrus, avec les Perses, occupait le centre ; la cavalerie, comme cela devait être, était placée sur les ailes.

Bientôt le jour éclaira les Assyriens sur leur sort : les uns étaient étonnés de ce qu’ils voyaient, d’autres commençaient à reconnaître le danger, les autres donnaient des nouvelles ; ici on criait aux armes, là on déliait les chevaux,