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XÉNOPHON.

lieu où les ennemis, qui s’étaient rendus précédemment, avaient déposé les leurs ; de les brûler, à la réserve de ceux dont pourraient avoir besoin les soldats chargés de cette exécution. À l’égard des chevaux, il commanda que ceux qui les avaient amenés demeurassent dans le camp pour les garder, et qu’ils y attendissent ses ordres. Ayant ensuite appelé les chefs de la cavalerie mède et ceux des Hyrcaniens :

« Braves amis, généreux alliés, leur dit-il, ne soyez point surpris si je vous assemble souvent ; comme notre situation est nouvelle pour nous, il n’a pas été possible de mettre ordre à tout : cette confusion produira nécessairement de l’embarras jusqu’à ce que chaque chose soit mise à sa place. Nous avons fait un butin immense, et de plus nombre de prisonniers ; mais comme chacun de nous ignore ce qui lui appartient dans ces prises, et que nul de nos prisonniers ne sait quel est son maître, on en voit peu qui s’acquittent de leur devoir : presque tous sont incertains de ce qu’on exige d’eux. Pour remédier à ce désordre, faites des partages. Ceux qui se trouvent logés dans des tentes bien pourvues de vivres, de vin, de serviteurs, de lits, de vêtemens, en un mot, de tous les ustensiles nécessaires pour camper commodément, n’ont besoin de rien de plus ; il reste seulement à leur faire entendre qu’ils doivent en avoir soin dorénavant comme de leur propre bien. Si quelqu’un habite une tente mal pourvue, suppléez ce qui lui manque. Je ne doute pas qu’après cette distribution il ne vous reste encore bien des choses ; car les ennemis en avaient plus qu’il n’en faut pour notre armée. Les trésoriers du roi d’Assyrie et des autres princes ses alliés, sont venus m’avertir qu’ils avaient dans leurs caisses de l’or monnayé, provenant de certains tributs dont ils m’ont parlé. Sommez-les par un héraut de vous l’apporter au lieu que vous indiquerez, sous des peines qui intimident quiconque désobéirait. Lorsque cet argent sera entre vos mains, vous le partagerez de façon que le cavalier ait le double du fantassin ; par-là, vous aurez de quoi acheter ce qui vous manquerait. Faites, dès à-présent, publier liberté entière dans le marché du camp ; que les vivandiers et les marchands puissent exposer en sûreté leurs denrées, les vendre, en apporter d’autres, afin que notre camp soit fréquenté. »

On fit aussitôt la proclamation. « Mais, dirent les Mèdes et les Hyrcaniens, comment faire ce partage sans que vous y soyez présens, vous et vos Perses ? — Pensez-vous, répondit Cyrus, qu’il ne se doive rien faire que l’armée entière n’y prenne part ? N’est-ce pas assez, quand les circonstances le commandent, que nous agissions, moi pour vous, et vous en notre nom ? Exiger le concours de tous, n’est-ce pas le moyen de multiplier les affaires et d’avancer peu ? Considérez que nous avons gardé le butin et que vous l’avez cru bien gardé ; chargez-vous, à votre tour, de la distribution, que nous trouverons bien faite : nous vaquerons, nous, à d’autres soins qui puissent concourir au bien commun. Présentement, ajouta-t-il, comptez les chevaux que nous avions et ceux qu’on nous amène : si on ne les monte, loin de servir ils embarrasseront par le soin qu’il en faudra prendre ; mais si nous les donnons à des cavaliers, nous serons délivrés de ce soin et nous augmenterons nos forces. Si vous avez à qui les donner, et avec qui vous préfériez de courir les hasards de la guerre, favorisez-les : si vous aimez mieux nous