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LA CYROPÉDIE, LIV. IV.

avoir pour compagnons, donnez-les nous. Lorsque seuls vous poursuiviez les ennemis, nous craignions pour vous des malheurs, nous rougissions de ne pouvoir partager avec vous le danger ; mais quand on nous donnera des chevaux, nous vous accompagnerons partout. Si vous jugez qu’à cheval nous soyons plus utiles, je me flatte que notre ardeur ne sera point en défaut : si vous nous croyez plus propres à vous seconder en combattant à pied, nous serons bientôt descendus et devenus fantassins ; nous trouverons alors des gens qui garderont nos chevaux. — Seigneur, répondirent les Mèdes et les Hyrcaniens, nous n’avons personne à qui nous destinions ces chevaux ; et quand nous aurions l’intention de les donner, nous y renoncerions, puisque vous les désirez : disposez-en comme il vous plaira ; ils sont à vous. — Je les accepte, dit Cyrus ; puissions-nous être désormais cavaliers à notre plus grand bien ! Partagez, ajouta-t-il, le butin qui reste en commun : mettez premièrement part pour les Dieux ce que les mages indiqueront ; puis choisissez pour Cyaxare ce qui vous paraîtra lui devoir être le plus agréable. — Il faut, s’écrièrent-ils en riant, lui choisir de belles femmes. — Des femmes, soit, repartit Cyrus ; autre chose encore si vous le voulez. Je vous recommande à vous, Hyrcaniens, de faire en sorte que les Mèdes, qui m’ont suivi de bon gré, n’aient point sujet de se plaindre ; et à vous, Mèdes, de traiter les Hyrcaniens, nos premiers alliés, avec une telle distinction qu’ils se louent d’avoir embrassé notre parti. Admettez au partage l’envoyé de Cyaxare et ceux qui l’accompagnent ; pressez-le de demeurer avec nous, afin que mieux instruit de l’état de nos affaires, il en rende un compte exact à Cyaxare. Pour mes Perses, ils se contenteront de ce que vous aurez de trop, après vous être abondamment pourvus. Une éducation rustique nous a rendus étrangers au luxe. Certes, si on nous voyait quelque chose de précieux, nous apprêterions à rire, comme cela ne manquera pas d’arriver lorsque nous monterons à cheval, et que nous tomberons à terre. »

Les Mèdes et les Hyrcaniens allèrent partager le butin, en riant de la plaisanterie sur les nouveaux cavaliers. Cyrus ayant appelé les taxiarques, leur commanda de prendre les chevaux et les palefreniers avec leurs outils ; de faire de ce butin plusieurs parts égales suivant le nombre des compagnies, et de tirer au sort pour le choix. Ensuite il publia dans le camp que s’il se trouvait parmi les Assyriens, Syriens ou Arabes prisonniers, des esclaves nés en Médie, en Perse, dans la Bactriane, en Carie, en Cilicie, en Grèce, ou dans quelque autre pays d’où ils auraient été enlevés par force, ils eussent à se présenter. On en vit bientôt accourir un grand nombre. Cyrus ayant choisi les mieux faits, leur dit qu’en recouvrant la liberté ils s’engageaient à porter les armes qu’il allait leur donner ; que de son côté, il pourvoirait à tous leurs besoins. Il les mena lui même aux taxiarques ; il recommanda de fournir à ces nouveaux soldats de petits boucliers et des épées légères, afin qu’ils pussent, avec cette armure, suivre la cavalerie, et leur fit distribuer la même portion de vivres qu’aux soldats perses. Il ordonna de plus aux officiers de ne marcher jamais qu’à cheval, armés de la pique et de la cuirasse, comme il en donnait l’exemple, et de choisir parmi les homotimes d’autres chefs pour commander à leur place ceux de la même classe qui n’auraient point de chevaux.

Chap. 6. Sur ces entrefaites arrive à cheval un vieillard assyrien, nommé Go-