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LA CYROPÉDIE, LIV. V.

des Dieux, je châtierai l’assassin de votre fils. Mais si nous vous accordons ce que vous demandez, et que nous vous laissions vos forteresses, vos terres, vos armes, et l’autorité que vous avez exercée jusqu’à présent, que ferez-vous pour nous ? — À votre premier ordre, dit Gobryas, je vous livrerai mes châteaux ; je vous paierai pour mes terres le même tribut que je payais au roi d’Assyrie : lorsque vous serez en guerre, je vous accompagnerai avec toutes les forces de mon pays. J’ai de plus une fille nubile, que j’aime tendrement ; j’espérais, en l’élevant, la voir un jour l’épouse du prince régnant : elle-même, Seigneur, est venue, fondant en larmes, me supplier de ne la pas livrer au meurtrier de son frère ; eh ! que j’en étais éloigné ! Je la remets entre vos mains ; ayez pour elle les mêmes sentimens que vous me voyez déjà pour vous. — À ces conditions, reprit Cyrus, en lui tendant la main et prenant la sienne, je vous donne ma foi, je reçois la vôtre : que les Dieux en soient témoins ! » Ce traité conclu, il le pressa de s’en retourner avec ses armes, et lui demanda à quelle distance était la forteresse où il se proposait d’aller. « En partant demain de grand matin, répondit Gobryas, le jour suivant vous passerez la nuit avec nous. » Sur cela, Gobryas se retira, en laissant un guide.

Les Mèdes étaient revenus joindre Cyrus, après avoir délivré pour les Dieux ce que les mages avaient eux-mêmes demandé. Ils avaient mis à part pour Cyrus, une tente magnifique, une femme susienne qu’on estimait la plus belle de toute l’Asie, et deux musiciennes renommées. Ce qu’ils avaient ensuite trouvé de plus précieux, avait été choisi pour Cyaxare : puis, comme ils avaient en abondance des effets de toute espèce, ils s’étaient largement pourvus de ceux dont ils avaient le plus besoin, afin de n’en point manquer pendant la campagne. Les Hyrcaniens prirent ce qu’ils désiraient ; et l’envoyé de Cyaxare fut admis à partager également. Enfin, les tentes qui restaient furent données à Cyrus, pour l’usage des Perses. Quant à l’argent monnayé, on convint de le distribuer lorsque tout serait recueilli ; ce qui s’exécuta.

Cette opération finie, Cyrus ordonna que le butin destiné pour Cyaxare fût confié à la garde de ceux qu’il savait lui être particulièrement attachés : quant aux présens qu’on lui réservait, il déclara qu’il les acceptait de bon cœur, mais qu’ils resteraient à la disposition de quiconque en aurait besoin. « Seigneur, dit un Mède passionné pour la musique, hier au soir j’entendis chanter vos deux musiciennes ; elles m’ont fait un plaisir infini : si vous m’en donniez une, le séjour du camp me serait beaucoup plus agréable que celui de ma maison. — Je vous la donne, répondit Cyrus, et je vous suis plus obligé de me l’avoir demandée, que vous ne l’êtes de l’avoir obtenue, tant j’ai à cœur de vous complaire. » Le Mède prit la musicienne et l’emmena.




LIVRE CINQUIÈME.

Chapitre premier. Cyrus fit appeler le Mède Araspe, son intime ami dès l’enfance ; c’était celui à qui il avait donné sa robe médique, quand il quitta la cour d’Astyage pour retourner en Perse : il le mandait pour lui confier la femme et la tente. Cette femme était l’épouse d’Abradate, roi de la Susiane. Dans le temps où l’on s’empara du camp des Assyriens, Abradate n’y était point : le roi d’Assyrie, lui connaissant des liaisons d’hospitalité avec le roi de