Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/684

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
683
LA CYROPÉDIE, LIV. V.

vaient demeurer tranquilles, quand ils auraient posé les sentinelles ; et il enjoignit aux Perses de donner les meilleures tentes aux cavaliers, les autres aux fantassins ; de plus, d’obliger les valets à préparer chaque jour le nécessaire aux soldats, à le porter aux différentes compagnies, et à mener aux cavaliers les chevaux tout pansés, en sorte que les Perses n’eussent à s’occuper que de la guerre.

Chap. 2. Ces détails remplirent la journée. Le lendemain matin, l’armée se mit en marche pour joindre Gobryas. Cyrus était à cheval avec les cavaliers perses au nombre d’environ deux mille, suivis d’autant de gens de pied, qui portaient leurs boucliers et leurs épées : le reste des troupes suivait en bon ordre. Cyrus chargea les cavaliers d’avertir les fantassins, nouvellement attachés à leur service, que l’on punirait quiconque d’entre eux serait surpris hors des rangs, soit au-delà de l’arrière-garde, soit en avant sur le front de l’armée ou sur les côtés.

Le jour suivant, vers le soir, on arrive au château de Gobryas : on trouve une place très forte, et les remparts garnis de toutes les machines propres à repousser les attaques de l’ennemi : derrière ces ouvrages extérieurs étaient rassemblés quantité de bœufs et d’autre bétail. Gobryas fit prier Cyrus de visiter à cheval les dehors du château, pour examiner s’il y avait quelque endroit faible, et de lui envoyer des hommes de confiance qui pussent, à leur retour, lui rendre compte de l’état de l’intérieur. Cyrus voulant s’assurer si la place était véritablement imprenable, et si Gobryas ne le trompait pas, en fit le tour ; il remarqua qu’elle était si bien fortifiée de toutes parts, que l’accès en devenait impossible. Ceux qui avaient été envoyés à Gobryas rapportèrent que les munitions y étaient en une telle abondance, qu’à leur avis elles suffiraient pour nourrir un siècle entier ceux qui l’habitaient. Ce rapport causait quelque inquiétude à Cyrus, lorsque Gobryas vint à lui, accompagné de tous ceux qui étaient dans le château, les uns chargés de vin, de farines d’orge et de blé, les autres amenant des bœufs, des chèvres, des brebis, des cochons. En un mot, ils apportaient de quoi donner à l’armée un souper splendide. Les gens chargés de faire cuire les viandes se mirent à les couper, et préparèrent le repas.

Gobryas ayant fait sortir tout le monde du château, invita Cyrus à y entrer avec les précautions qu’il jugerait nécessaires. Le prince, précédé d’un corps de troupes et d’émissaires chargés de visiter les lieux, s’approche de la place. Bientôt les portes sont ouvertes ; il entre, il invite tous ses amis et les principaux chefs à le suivre.

Lorsqu’ils furent rassemblés, Gobryas apporta des coupes d’or, des aiguières, des vases, des bijoux, avec quantité de dariques et d’effets précieux ; puis il amena sa fille, qui joignait à la beauté du visage une taille majestueuse : elle parut en habit de deuil, à cause de la mort de son frère. « Seigneur, dit Gobryas, je te fais don de toutes ces richesses, et je mets ma fille entre tes mains ; tu en disposeras à ton gré. Mais nous te supplions, moi, de venger mon fils : elle de venger son frère. — Dernièrement je te promis d’employer tout mon pouvoir à te venger si tu ne me trompais pas : comme je vois que tu m’as dit vrai, reçois ma parole ; je fais la même promesse à ta fille, et je la tiendrai avec la protection des Dieux. J’accepte tes présens, mais pour les rendre à ta fille et à celui qui sera son époux. Je n’emporterai d’ici qu’un seul de tes dons ; avec celui-là je partirai