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XÉNOPHON.

gens qui en avaient reçu l’ordre. Les Mèdes, profitant du loisir de ce prince, avant le souper, vinrent lui apporter des présens, quelques-uns de leur propre mouvement, le plus grand nombre à l’instigation de Cyrus : l’un lui offrit un bel échanson, l’autre un bon cuisinier, celui-ci un boulanger, celui-là un musicien, un autre des vases, un autre une robe précieuse ; chacun donnait une partie du butin qui lui était échu. Cyaxare reconnut alors que Cyrus ne lui avait fait aucun tort dans l’esprit des Mèdes, et qu’ils ne lui étaient pas moins affectionnés qu’auparavant.

L’heure du repas étant venue, Cyaxare, qui revoyait Cyrus après une longue absence, l’invita à souper avec lui. « Dispensez-m’en, Seigneur ; tous les auxiliaires que vous voyez ici, n’étant venus que sur notre invitation, je ferais une grande faute si, au lieu de prendre soin d’eux, je m’occupais de mon plaisir. Quand les soldats se croient négligés, l’ardeur des bons se ralentit, les mauvais deviennent insolens. Mais vous qui avez fait une longue traite, il est temps que vous mangiez. Accueillez avec bonté, et retenez pour souper avec vous les Mèdes qui vous sont attachés, afin qu’ils cessent de vous craindre. Je vais m’occuper des choses dont je viens de vous parler : demain matin les principaux officiers se rendront à la porte de votre tente, afin que nous délibérions avec vous sur le parti qu’il convient de prendre pour la suite. Vous proposerez vous-même l’objet de la délibération ; savoir, lequel est le plus à propos, ou de continuer la guerre, ou de licencier les troupes. »

Pendant que Cyaxare soupait ; Cyrus assembla ceux de ses amis qu’il jugea les meilleurs pour le conseil et pour l’action. « Mes amis, leur dit-il, les Dieux ont exaucé nos premiers vœux : nous sommes maîtres de tout le pays que nous avons parcouru ; nous voyons nos adversaires s’affaiblir, nos troupes plus nombreuses et plus redoutables. Dans cette position, si les alliés qui nous accompagnent, veulent demeurer avec nous, nous pouvons prétendre à de plus grands exploits, en employant à propos soit la force, soit la persuasion. Vous n’êtes donc pas moins intéressés que moi à faire en sorte que la plus grande partie de ces alliés ne nous quitte point. Comme celui qui dans une bataille fait le plus de prisonniers, est estimé le plus vaillant ; de même celui qui dans un conseil sait amener le plus grand nombre de personnes à son avis, passe, à bon droit, pour le plus habile dans l’art de parler et de persuader. Cependant, ne vous appliquez pas à offrir de l’éloquence dans les discours que vous tiendrez à chacun d’eux en particulier ; mais parlez de manière que leurs actions prouvent que vous les avez persuadés. Occupez-vous de cette tâche importante. Pour moi, je vais, autant que je le puis, pourvoir à ce que les soldats aient le nécessaire, avant qu’on leur propose de délibérer sur le projet de continuer la guerre ? »




LIVRE SIXIÈME.

Chapitre premier. La journée ainsi passée, l’on soupa, puis l’on alla se reposer. Le lendemain, dès le matin, tous les alliés se rendirent auprès de Cyaxare. Déjà il entend le bruit de la foule qui se presse aux portes de sa tente. Pendant qu’il s’habillait, les Perses présentèrent à Cyrus, l’un des Cadusiens, qui le priaient de demeurer, un autre les Hyrcaniens, celui-ci Gobryas, celui-là le chef des Saces : Hys-