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LA CYROPÉDIE, LIV. VI.

ruine les murailles des ennemis, et assurons-nous d’ouvriers pour construire de fortes tours. Cyaxare promit une machine, qu’il se chargeait de faire construire : Gadatas et Gobryas s’engagèrent à en donner une en commun ; Tigrane prit le même engagement ; Cyrus dit qu’il tâcherait d’en fournir deux. Ces résolutions prises, on chercha des ouvriers, on rassembla les matériaux nécessaires à la construction des machines ; et l’inspection de ces ouvrages fut confiée à des personnes en qui l’on reconnut le plus de capacité.

Cyrus, prévoyant que ces travaux emporteraient beaucoup de temps, mena camper son armée dans le lieu qu’il estima le plus sain et le plus commode pour le transport des choses dont on aurait besoin. Il entoura les endroits faibles d’un si bon retranchement, que les troupes qui se succéderaient à la garde du camp, fussent à l’abri de l’insulte, lors même qu’elles se trouveraient séparées du gros de l’armée. De plus, il s’informait aux gens qui connaissaient le pays, de quel côté les soldats pourraient faire le plus de butin : lui-même il les y menait, tant pour leur procurer des vivres en abondance, que pour les rendre plus sains, plus vigoureux, par la fatigue de ces courses, et pour les entretenir dans l’habitude de garder leurs rangs en marchant.

Pendant que Cyrus se livrait à ces occupations, on apprit, par les transfuges et par les prisonniers babyloniens, que le roi d’Assyrie était allé en Lydie, emportant avec lui quantité d’or, d’argent, de richesses, et de bijoux précieux. Les simples soldats conjecturèrent qu’effrayé de leur approche, il transportait ses trésors en lieu sûr : mais Cyrus, bien convaincu qu’il n’entreprenait ce voyage que pour lui susciter, s’il le pouvait, de nouveaux ennemis, fit les préparatifs nécessaires pour une seconde bataille. Il compléta d’abord la cavalerie perse, avec les chevaux des prisonniers et avec ceux que lui donnaient ses amis : car il recevait volontiers ces sortes de présens, et quiconque lui offrait un cheval ou une belle armure, était sûr de n’être pas refusé.

Il se procura des chariots, tant parmi ceux pris sur l’ennemi, que par d’autres voies : mais il abolit l’usage des chars tels qu’étaient jadis ceux des Troyens, et tels que sont encore ceux des Cyrénéens. Jusque là les Mèdes, les Syriens, les Arabes et tous les peuples asiatiques n’en avaient point d’autres. Comme ils étaient montés par les plus braves, Cyrus avait remarqué que des gens qui étaient l’élite de l’armée ne servaient qu’à escarmoucher, et contribuaient peu au gain de la bataille : d’ailleurs, trois cents chars pour trois cents combattans, exigeaient douze cents chevaux et trois cents cochers, choisis entre ceux qui méritaient le plus de confiance ; encore ces trois cents hommes ne causaient aucun dommage à l’ennemi. Cyrus, en abolissant l’usage de ces chars, en fit construire d’une forme nouvelle plus convenable pour la guerre. Les roues en étaient fortes, par là moins sujettes à se briser ; l’essieu long, car ce qui a de l’étendue est moins sujet à renverser : le siége, d’un bois épais, s’élevait en forme de tour, mais ne couvrait le cocher que jusqu’à la hauteur du coude, afin qu’il eût la facilité de conduire ses chevaux ; chaque cocher armé de toutes pièces, n’avait que les yeux découverts : aux deux bouts de l’essieu étaient placées deux faux de fer, longues d’environ deux coudées, et deux autres par dessous dont la pointe tournée contre terre, devait percer à travers les bataillons ennemis. Cette nouvelle construction, dont Cyrus fut

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