Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/717

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XÉNOPHON.

suivent les troupes d’aussi près qu’il sera possible. Toi, Dauchus, aie soin que tes équipages suivent immédiatement les tours ; ordonne à tes gens de punir quiconque avancerait hors de son rang, ou resterait en arrière. Carduchus, qui conduis les chariots des femmes, tu marcheras après les équipages. Cette longue file de chariots qui nous suivra, en faisant paraître notre armée plus nombreuse, nous procurera encore le moyen de tendre quelque piége à l’ennemi : s’il tente de nous envelopper, elle l’obligera du moins à former une plus grande enceinte ; et plus il embrassera de terrain, plus il perdra de ses forces. Voilà ce que vous avez à faire. Artabase, et toi Artagersas, prenez chacun vos mille fantassins, et placez-vous derrière les chariots ; Pharnuchus, et toi Asiadatas, au lieu de vous mettre en bataille avec le reste de la cavalerie, postez-vous aussi derrière les chariots, chacun avec vos mille cavaliers, et rendez-vous ensuite auprès de moi, ainsi que les autres chefs : songez à vous tenir prêts comme si vous deviez les premiers engager l’action. Capitaine des archers qui montent les chameaux, place-toi aussi à la suite des chariots, et fais ce qu’Artagersas t’ordonnera. Vous, commandans des chars, tirez au sort à qui rangera ses cent chars en première ligne au front de l’armée ; les deux autres centaines borderont de droite et de gauche les deux flancs. » Telle fut l’ordonnance des troupes de Cyrus.

« Prince, dit aussitôt Abradate, roi des Susiens, je me chargerai volontiers, si tu le trouves bon, du commandement des chars que tu opposes au centre de l’armée ennemie. » Cyrus, louant son courage et lui tendant la main, demanda aux Perses qui devaient monter les autres chars, s’ils y consentaient. Comme ils répondirent qu’ils ne le pouvaient avec honneur, il les fit tirer au sort : Abradate obtint par cette voie ce qu’il proposait, et fut chargé de faire tête aux troupes égyptiennes. Tous les chefs se retirèrent pour s’occuper de leurs préparatifs : ils soupèrent, posèrent les sentinelles, et se couchèrent.

Chap. 4. Le lendemain matin, pendant que Cyrus sacrifiait, les troupes qui avaient déjà pris leur repas et fait des libations, s’armaient de leurs belles tuniques, de leurs belles cuirasses, de leurs casques superbes. Les chevaux avaient tous la tête et le poitrail armés : ceux de la cavalerie étaient de plus bardés sur la croupe, ceux des chars sur les flancs. L’armée entière brillait de l’airain et de la pourpre. Le char d’Abradate, ce char à quatre timons et à huit chevaux d’attelage, était magnifiquement orné. Au moment où ce prince allait endosser sa cuirasse faite de lin, suivant l’usage de son pays, Panthée lui présenta un casque d’or, des brassards et de larges bracelets du même métal, une tunique de pourpre, plissée par le bas et qui descendait jusqu’à terre, et un panache de couleur d’hyacinthe : elle avait fait ces armes à l’insu de son époux, sur la mesure de celles dont il se servait.

En les voyant il fut étonné : « Ma chère Panthée, lui dit-il, tu t’es donc dépouillée de tes joyaux pour me faire cette armure ? — Non ; le plus précieux de tous m’est resté : car si tu te montres aux yeux des autres ce que tu es aux miens, tu seras ma plus riche parure. » En proférant ces paroles elle l’armait elle-même, et s’efforçait en pleurant, de cacher les larmes dont étaient inondées ses belles joues.

Abradate, déjà si digne d’attirer les regards par la beauté de sa figure, paraissait plus beau, avait l’air encore plus noble, quand il fut couvert de ses