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padoce et la Paphlagonie, auxquelles Perdiccas joignit ensuite la Carie et la Lycie : il comptait dans son parti le corps des Argyraspides qui s’était acquis la plus brillante réputation. Antigone, qui avait été mis en possession de la Pamphilie et de la grande Phrygie, s’empara des provinces voisines à la faveur des troubles, et s’étendit dans la haute Asie. Plusieurs gouverneurs, jaloux de sa puissance, se rangèrent alors du côté d’Eumènes, et Antigone, qui voulait anéantir un rival si dangereux, se ligua avec d’autres généraux. Eumènes, cependant, qui combattait sous le nom des rois, était en état de tenir tête ; il s’avança contre Antigone.

Les deux armées campaient peu éloignées l’une de l’autre, et séparées par un torrent et quelques ravins. Le pays aux environs était entièrement ruiné, les soldats y souffraient beaucoup. Eumènes apprit qu’Antigone se préparait à partir la nuit suivante ; il ne douta point que son dessein ne fût de gagner la province de Gabène, pays neuf, en état de fournir abondamment des subsistances, et très sûr pour cantonner des troupes, à cause des rivières et des défilés dont il était couvert. Eumènes résolut de le prévenir.

Il envoya au camp d’Antigone quelques soldats qui, sous l’apparence de désertion, le prévinrent qu’on devait l’attaquer à l’entrée de la nuit ; et pendant ce temps, il fit partir ses bagages, ordonna aux troupes de prendre de la nourriture, et sur le déclin du jour se mit lui-même en marche, ne laissant devant son camp qu’un poste de cavalerie légère, afin d’amuser l’ennemi.

Antigone tenait en effet son armée sous les armes, et attendait avec impatience le moment de l’attaque, lorsque ses éclaireurs l’avertirent qu’Eumènes était décampé. Il plia promptement ses tentes, et fit la plus grande diligence pour le prévenir ; mais apprenant qu’il avait sur lui six heures d’avance, il se mit à la tête de sa cavalerie, et la lançant à toutes brides, atteignit l’arrière garde ennemie au point du jour.

Elle descendait d’une colline ; Antigone fit halte et se forma sur les hauteurs. Eumènes voyant cette cavalerie, ne douta point que l’armée entière ne fût sur ses derrières, et s’arrêta pour se mettre en bataille. Antigone sut paralyser ainsi la ruse d’Eumènes, et donna le temps à son infanterie d’arriver.

Ils avaient un égal désir d’en venir aux mains, car l’un et l’autre voulaient occuper une province où ils devaient trouver des cantonnemens excellens pour leur armée. Ils s’attaquèrent avec un succès balancé. Les deux gauches furent mises en déroute, et la nuit qui survint sépara les combattans. Antigone, qui parvint à conserver le champ de bataille, l’examina, et s’aperçut qu’il avait perdu beaucoup plus de monde que son adversaire ; ses troupes étaient d’ailleurs découragées, il n’osa risquer une nouvelle affaire, et alla hiverner très loin au nord de la Médie. Eumènes continua sa marche vers le pays de Gabène, où il prit ses quartiers.

Ses soldats étaient peu soumis ; ils voulurent choisir les lieux les plus commodes, et ce général ne put les contraindre à se rapprocher assez les uns des autres, pour se porter un prompt secours, dans le cas où ils seraient attaqués. Antigone fut informé de cette disposition vicieuse, il prit aussitôt la résolution de tomber inopinément sur ces corps divisés.

Deux chemins se présentaient pour marcher vers la province de Gabène : l’un, facile et peuplé, lui offrait des subsistances ; l’autre qui passait à travers