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ARRIEN, LIV. I.

quatre aspides y peuvent à peine passer de front.

Alexandre dispose sa phalange sur six vingt hommes de hauteur ; place deux cents chevaux à chacune des ailes, et recommande d’exécuter ses ordres en silence, et avec promptitude. Il donne aux hoplites le signal d’élever leurs piques, de les porter en avant par des évolutions de droite et de gauche, comme prêts à donner. Lui-même fait précipiter la phalange dont les divers mouvemens se portent rapidement d’une aile à l’autre : après avoir ainsi changé plusieurs fois, en peu d’instans, son ordre de bataille, il fond par la gauche sur l’ennemi, en faisant former le coin à sa phalange. Surpris de la rapidité de ses mouvemens, et ne pouvant supporter le choc des Macédoniens, les Barbares quittent les hauteurs. Alexandre ordonne alors de pousser de grands cris, et de frapper les boucliers avec les javelots. Épouvantée, l’armée des Taulantiens se retire précipitamment vers la ville. Alexandre, avisant une petite troupe d’ennemis sur une des hauteurs de la route, détache le corps de ses gardes, les hétaires qui l’entourent, avec ordre de prendre leurs boucliers, de côtoyer à cheval les bords du fleuve, et de se diriger vers la hauteur. Là si l’ennemi les attendait, la moitié devait aussitôt mettre pied à terre, se former et donner avec la cavalerie.

Aux mouvemens d’Alexandre, les Barbares abandonnent les hauteurs et se dispersent sur les flancs. Alexandre et les hétaires se rendent maîtres du poste ; il fait avancer aussitôt les Agriens et les Archers au nombre de deux mille ; ordonne aux Hypaspistes de traverser le fleuve, suivis des cohortes macédoniennes, et de se ranger à l’autre bord en étendant la gauche, de manière que la phalange parût plus nombreuse. Lui-même observe les mouvemens de l’ennemi du haut de la colline. Dès que les Barbares virent l’armée traverser le fleuve, ils s’avancèrent le long des montagnes pour attaquer l’arrière-garde d’Alexandre. Il court avec les siens à leur rencontre : des bords du fleuve la phalange pousse un grand cri ; tout s’ébranle ; l’ennemi prend la fuite.

Alexandre aussitôt mène en hâte les Agriens et les Archers vers le fleuve ; il passe des premiers ; et, voyant que l’ennemi inquiétait ses derrières, il ordonne de placer sur la rive des machines de guerre, dont les traits lancés au loin les écartent : et tandis que les Archers font pleuvoir, du milieu même du fleuve, une grêle de flèches, Glaucias n’ose avancer à la portée du trait ; les Macédoniens effectuent le passage sans perdre un seul homme.

Trois jours après, Alexandre apprend que Clitus et Glaucias (le croyant éloigné par un sentiment de crainte) ont campé dans un lieu défavorable, sans retranchemens, sans gardes avancées, et qu’ils ont le désavantage d’une position trop étendue ; il repasse secrètement le fleuve dans la nuit avec les Hypaspistes, les Agriens, les hommes de trait, et les troupes de Perdiccas et de Cœnus ; le reste de l’armée doit les suivre. Ayant jugé l’occasion favorable, il fait donner avec les Agriens et les hommes de trait, sans attendre le surplus des troupes. Attaqués à l’improviste, chargés, sur le point le plus faible, par tout l’effort de la phalange, on égorge sous leurs tentes, on arrête dans leur fuite une multitude de Barbares. Dans le comble du désordre, un grand nombre tombent vivans au pouvoir du vainqueur. Alexandre poursuit le reste jusqu’aux montagnes des Taulantiens ; quelques-uns seulement durent leur salut à l’abandon de leurs armes. Clitus,