Page:Liskenne, Sauvan - Bibliothèque historique et militaire, Tome 1, 1835.djvu/783

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
782
ARRIEN, LIV. I.

failli renverser Athènes de fond en comble, réduits eux-mêmes à la dernière extrémité, lui durent leur salut. Les batailles de Leuctres et de Mantinée, plus inopinées encore que sanglantes, occasionnèrent aux Lacédémoniens moins de perte que d’effroi. La bataille livrée sous les murs de Sparte, par Épamidondas, à la tête des Béotiens et des Arcadiens, présenta un spectacle plus nouveau qu’alarmant, à ceux qui partagèrent son malheur. On n’a pas mis au rang des grandes calamités, ni le siége de Platée où les ennemis firent peu de prisonniers, et dont presque tous les citoyens s’étaient retirés à Athènes, ni la perte de Mélos et de Scione, petites villes insulaires dont la prise étonna moins la Grèce qu’elle n’avilit le vainqueur.

Mais la défection subite et téméraire des Thébains ; l’attaque si prompte de leur ville si facilement emportée ; ce vaste massacre exécuté par des compatriotes, par des Grecs qui vengeaient d’anciennes injures ; la ruine totale d’une cité que sa puissance et sa gloire militaire mettaient naguère au premier rang des villes de la Grèce, on crut devoir tout attribuer au courroux céleste. Les Dieux semblaient punir les Thébains d’avoir trahi la cause des Grecs dans la guerre contre les Perses ; d’avoir, au mépris de la foi des traités, surpris Platée, saccagé la ville et impitoyablement massacré contre les mœurs et l’usage des Grecs, ceux d’entre eux qui s’étaient rendus aux Lacédémoniens ; d’avoir ravagé le théâtre où les Grecs combattant les Perses avaient, par leur courage assuré la liberté de leur patrie ; enfin, d’avoir opiné pour la ruine d’Athènes, lorsqu’elle fut mise en délibération dans le conseil de la ligue Lacédémonienne. On ajoutait que ces calamités avaient été annoncées par des prodige célestes, que la superstition ne rappela qu’après l’événement.

Pour prix de leurs services, Alexandre remit le sort de la ville aux alliés ; ils furent d’avis de la raser, et de conserver une garnison dans la citadelle ; de se partager tout son territoire, excepté la partie consacrée, et de réduire à l’esclavage les femmes, les enfans et le reste des Thébains échappés au carnage, excepte les prêtres et les prêtresses, et ceux qui se trouvaient attachés par le lien de l’hospitalité à Philippe, à Alexandre ou à quelques Macédoniens. On dit que par respect pour la mémoire du poète Pindare, Alexandre épargna sa maison et sa famille ; les alliés firent relever et fortifier les murs d’Orchomène et de Platée.

Aussitôt que la nouvelle de la ruine de Thèbes fut répandue dans la Grèce, ceux des Arcadiens qui s’étaient avancés au secours des Thébains, condamnèrent à mort les conseillers de cette démarche. Les Éléens rappellent des exilés que favorise Alexandre. Les villes d’Étolie s’empressent de députer vers lui pour obtenir grâce d’avoir pris part à ces mouvemens.

Quelques Thébains, échappés au carnage, en portent la nouvelle à Athènes au moment où l’on célébrait les grands mystères ; les cérémonies sont interrompues ; on retire dans la ville les bagages de la campagne ; on convoque l’assemblée générale ; et, sur la proposition et le choix de Démade, on députe vers Alexandre dix Athéniens : on prend ces envoyés parmi ceux qu’on sait être les plus agréables au prince ; ils doivent, quoiqu’un peu tardivement, lui exprimer la joie des Athéniens sur son retour d’Illyrie, et sur le châtiment qu’il a tiré de la défection des Thébains. Alexandre, répondant du reste avec bienveil-